samedi 28 avril 2007

20 avril 2007 : L'angoisse du cyclo-lecteur au moment de s'élancer




Dessin de Claire Brèthes

Ça y est. Le grand jour va arriver. Je ne l’aurais jamais cru. Pas si évident de concevoir un projet et de le réaliser.
De quoi s’agissait-il ? Au départ, l’idée, alors intitulée Le lecteur ambulant, qui avait germé dans mon esprit en 2003, était de réaliser un grand tour de France à bicyclette, qui aurait duré trois à quatre mois, et m’aurait permis de retrouver ici ou là toutes les personnes que j’ai connues dans ma vie – famille, amis, collègues de travail, connaissances – et de leur dire un petit bonjour, tout en leur demandant de m’aider à organiser à certaines étapes une séance de lecture à haute voix que j’animerais. J’avais dans l’idée de faire un programme de textes courts, poèmes et surtout nouvelles ou récits.
En quelque sorte, comme j’ai beaucoup lu, rencontré pas mal de gens au hasard de mes nominations dans plusieurs régions de France, j’aurais voulu accomplir un partage avec eux de la somme de mes lectures, ou plutôt de leur quintessence…
Je me disais aussi que le début de la retraite – qui en est la meilleure période, parce qu’on est encore en relatif bon état, et qui allait pour moi sonner en 2006 – était le moment idéal pour réaliser ce vieux rêve un peu fou : faire la somme des amis, la somme des lectures, la somme de la randonnée vélocypédique que représente un Tour de France.
J’allais mettre tous les atouts de mon côté.
D’abord, mon corps, lui faire retrouver le meilleur état possible, sa souplesse, son confort. Alors que je souffrais d’un lumbago en 2002, la rencontre de Fabrice G., grâce à un membre de la chorale du Chœur des Champs, m’a permis de découvrir les bienfaits du massage corporel, de l’exercice physique qu’il intitule « éveil musculaire », et du qi gong. Les stages d’été qu’il a animés en pleine nature près de Vézelay pendant trois ans ont été un enchantement ; j’ai pu m’y ressourcer, y retrouver des souvenirs d’enfance, me réconcilier post-mortem avec mon père, me sentir mieux dans ma tête ainsi que dans mon corps. Il m’a poussé aussi à me remettre à faire un peu de musculation dans un centre de remise en forme.
Sur d’autres plans, mon passage pendant quelques années dans la chorale m’a fait prendre conscience des possibilités de la voix, même si mon niveau de chant n’a jamais été brillant, parce que les morceaux à chanter devenaient de plus en plus difficiles. J’ai finalement renoncé, mais le défi que constituaient l’apprentissage des notes, le positionnement de la voix, m’a tout de même marqué.
La pratique par ailleurs du théâtre, depuis 1999, m’a également encouragé à sortir de mon introversion excessive, confinant parfois à l’autisme, et surtout parce que j’ai dû jouer des rôles de composition dans des pièces comiques le plus souvent, ce qui n’est pas tellement dans mon caractère. Hervé G.-I., le comédien qui m’a dirigé, m’a fait également sortir toute la violence rentrée en moi et m’a libéré en quelque sorte.
Et puis j’avais commencé à pratiquer la lecture à haute voix en prison. Le public y est difficile. Beaucoup de détenus sont très éloignés de la lecture, voire analphabètes. Certains sont sous tranquillisants, d’autres sont instables, peu éduqués. Pas simple de les captiver. Le choix des textes est ici crucial. Lise B., qui officie avec moi, ne lit pas du tout de la même façon que moi, ses choix de lectures sont aussi très différents, souvent plus difficiles. Au quartier femmes, il faut compter aussi avec l’émotion. Enfin, être enfermé, ne fût-ce que quelques heures, reste très éprouvant. Les premières fois, je souffrais de claustrophobie, après le franchissement de toutes ces barrières… Mais l’expérience est positive, en dépit de quelques erreurs dans les choix de textes, qui tombent alors à plat.
Bref, il ne me restait qu’à continuer à lire, à dévorer des recueils de poèmes et de nouvelles pour parfaire le choix et les programmes de lectures que je pourrai mettre en route et proposer à d’éventuels auditeurs.
Et à faire du vélo de façon un peu plus intensive. Je n’ai jamais cessé d’en faire. Depuis quelques années même, j’utilise principalement le vélo dans mes déplacements urbains. La mise en place, par la municipalité, de couloirs de bus et de bandes cyclables, a grandement facilité la circulation des vélos. J’ai même pris l’habitude de justifier mes séances de cinéma par le fait que je les gagne, ou les mérite, en y allant à vélo. Enfin, les petites routes aux alentours de Poitiers n’ont plus guère de secrets pour moi. J’y ai découvert des coins enchanteurs, comme la fontaine de Flée où désormais je vais remplir des bidons d’eau de source destinés à nos plantes d’intérieurs et aux bonsaïs de Claire, qui s’en portent mieux qu’avec l’eau du robinet.
Mais les « plans les mieux conçus des souris et des hommes souvent ne réalisent pas ». Et un grain de sable est venu, qui a enrayé momentanément le projet et m’a poussé à le modifier. En juillet 2004, Claire est tombée malade, si gravement qu’elle n’en est en fait pas encore remise. Elle a beaucoup souffert, et je n’ai pas pu faire grand-chose pour la soulager. Je me suis imaginé qu’en mettant mon projet en veilleuse, en n’en parlant plus, elle guérirait plus vite.
Et quand je suis arrivé à la retraite, en janvier 2006, je ne voyais pas comment mettre en route le projet. M’absenter trois ou quatre mois ? Impensable. Donc, je n’en parlais plus. Et c’est elle qui un beau jour m’a relancé. Pourquoi ne le ferai-je pas, mais sous une forme un peu différente, moins ambitieuse, mais plus à la portée de mon âge, et sans l’abandonner de façon si continue ?
L’idée a donc germé de le faire sur cinq ans, chaque printemps, en commençant par le Sud-ouest. Avec deux ou trois animations par semaine, je pourrai rentrer à Poitiers, ou bien Claire pourrait m’y suivre, et ainsi elle ne serait pas trop seule…
Et voilà, le départ est imminent. En serai-je capable ? Le moral tiendra-t-il ? Et le physique ?

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Il me revient donc l'honneur de laisser le premier commentaire sur ce blog...Cher Cyclo-lecteur, je te souhaite donc de bonnes et longues velochées vers ton public. Car tu es généreux, je sais que celui-ci ne pourra que bien recevoir ce que tu leur offriras !
Et je me réjouis aussi de lire le récit des tes aventures !

A bientôt

Gil