jeudi 31 mai 2007

30 mai 2007 : L'Eternel est mon berger

Je ne sais pas si je crois en Dieu... Je ne le savais pas non plus quand j'étais adolescent, et j'ai reculé autant que faire se pouvait le temps de ma confirmation au Temple. De guerre lasse, j'ai fini par dire oui au pasteur (tout en pensant aux paroles de Brassens "Faites semblant de croire et bientôt vous croirez"), et j'ai suivi à Pâques 1964 - j'avais donc déjà dix-huit ans - une retraite de trois jours à Salies de Béarn, pour me préparer à cette étape importante. Voici que maintenant je reviens pour des lectures dans cette même petite localité qui affiche sur une pancarte à l'entrée : CULTE PROTESTANT DIMANCHE 10 h, alors même que rien n'indique le culte catholique. C'est suffisamment rare en France pour qu'on le remarque.
J'avais choisi comme texte de confirmation à proclamer devant toute l'Assemblée le début du psaume 23 : L'Eternel est mon berger, je ne manquerai de rien. Bien m'en a pris, car il faut croire qu'un berger me protège effectivement. En toute logique, sans les secours de la médecine moderne, j'aurais déjà dû mourir deux fois, en 1968 et en 1996. Si j'étais né en Afrique ou en Amérique latine, probablement je n'aurais pas survécu. Il y a du miracle là-dessous ou bien un Dieu inconnu, un berger...
Et ce berger éternel, sans cesse renouvelé, je l'ai rencontré à plusieurs reprises dans ma vie, sous la forme d'une grand-mère aimante et chaleureuse, d'une mère effacée mais attentive, d'un père craint et parfois détesté, mais en fin de compte juste, d'un grand frère protecteur, de mes autres frères et soeurs, tant aimés que j'ai attendu que les dernières soient majeures pour fonder ma propre famille, de l'instituteur qui a su découvrir mon intérêt pour l'histoire et la géographie, de mes nombreux oncles et tantes qui m'ont enseigné le sens de la tribu, de mon copain de lycée, véritable alter ego, qui m'a plongé dans l'imaginaire et la rêverie, m'a insufflé le goût de lire et de pratiquer l'amitié, de mon professeur de français en seconde qui m'a fait comprendre les beautés de la littérature, de cet autre professeur d'histoire-géographie, créateur du ciné-club du lycée, et qui nous a appris l'histoire du cinéma en visionnant des chefs-d'oeuvre, de mes camarades d'université qui m'ont donné l'envie du partage du savoir, de John et de Jacques, avec qui j'ai appris la soldarité active en autogérant une auberge de jeunesse "libre" de mai à septembre 1973 , de Piotr, puis de Marcin, de Peter et de Pat, qui m'ont ouvert à l'étranger, et pour Peter, initié à l'opéra, de Patrice, qui m'a guidé dans le monde de la science-fiction, des quelques ami(e)s qui ont su me faire sortir de moi pour me faire découvrir et pratiquer la course à pied, la marche en montagne, le chant choral, le théâtre, le qi gong, les voyages, des collègues qui ont su devenir des ami(e)s, de mes nombreux élèves-bibliothécaires qui m'ont forcé à être pédagogue (je pourrais dire pédagoguenard) sans devenir pédant, des écrivains et poètes avec qui j'ai passé des heures délicieuses et qui m'ont entraîné sur les voies les plus diverses, des chanteurs qui nous conduisent "à travers ciel au père éternel" par leurs mélodies et la fraîcheur de leurs paroles, et des trois personnes qui ont rempli la deuxième moitié de ma vie, Claire qui m'a guidé sur le sentier de l'amour et de la construction d'une vie altruiste, Mathieu et Lucile enfin qui m'enseignent que la vie n'est pas une fin... Sans compter les deux bergers réels avec qui je me suis lié d'amitié, Gilles et Robert, de tempéraments très différents, mais chacun artiste à sa manière.
Quant à ceux qui m'ont humilié, violenté, trahi, il faut croire qu'ils ont été eux aussi les émissaires de ce Dieu inconnu qui veille sur moi, car ils m'ont obligé à rebondir, à ressusciter, à faire front, à être toujours du côté des idiots, des humiliés et des offensés, pour reprendre les termes de Dostoïevski. Je pourrais dire aussi avec Frantz Fanon du côté des damnés de la terre. Et à faire, en dépit de tout, confiance en la vie, plus forte que la violence, que la déchéance, que la misère, que la méchanceté, que la souffrance... Et pour cela, à ignorer la haine qui pourrit la vie !
L'éternel est mon berger, je ne manquerai de rien. Et il faut croire que je n'ai manqué de rien, et encore aujourd'hui du beau temps qui continue à me sourire dans ma randonnée de cyclo-lecteur, à travers ces verts pâturages du Béarn.
Si Dieu existe, il est dans toutes les personnes que l'on rencontre, car chacune nous apporte ce petit plus qui fait que l'on ne manque de rien et que l'on ressuscite à chaque instant, grâce à ce nouvel apport : c'est peut-être cela, la foi en l'éternité...

Aucun commentaire: