mercredi 23 avril 2008

16 avril 2008 : le plein air

Je me réveille tôt et en profite pour avancer dans la compagnie de mon frère l'idiot. Mais bon sang, me dis-je, au fur et à mesure que j'avance davantage à son côté, mais l'idiot, c'est moi ! Sauf que je n'ai pas écrit le bouquin ! Je me dis tout de même - et ça se confirme une fois de plus - que chaque lecture est une réécriture d'un livre à la manière du nouvel auteur qu'est le lecteur. Et même si plus d'un siècle nous sépare : c'est aussi ça, les grands livres, ils nous parlent à travers les âges, à moins que ce ne soit nous qui nous parlons, qui nous découvrons à travers eux !
Jean m'accompagne pour ma première lecture, à vélo, bien sûr. Nous sommes attendus devant une petite librairie, dans une rue piétonne. C'est ma première lecture en plein air. L'organisateur, Olivier, a disposé une petite table et une chaise pour moi, derrière lesquelles je pose mon vélo, et une quinzaine de chaises sur trois rangs en arc de cercle devant la librairie...


lecture dans la rue piétonne, photo Jean Bec
Peu à peu la rue s'anime. Il est prévu que je commence à 11 h. La "salle" est pleine, la moitié des auditeurs est venue à vélo !
Au premier rang, une jeune fille (17 ans environ, j'apprends ensuite qu'elle est élevée par ses grands-parents et ne fréquente pas l'école, elle n'a suivi que des cours par correspondance, elle a un regard lumineux et boit mes paroles) et un jeune homme (13 ans et demi). Olivier me présente et dit que je mettrai mon chapeau à la fin sur la table, chacun peut donner pour m'encourager, s'il veut ! Compte tenu de l'ambiance, c'est surtout pour les deux jeunes gens, qui me couvent des yeux, que j'entame mes lectures : Christian Bobin, Paul Auster, Jean-Philippe Blondel et Maupassant, avec entre chaque prose un poème, dont L'invitation au voyage, de Baudelaire. Des gens passent, s'arrêtent, écoutent un moment, s'assoient quand des places assises se libèrent, repartent...



quelques chaises se libèrent, photo Jean Bec

Les commerçants d'en face sortent de leurs boutiques pour écouter. Soudain, une ponceuse fait un bruit d'enfer. Je m'arrête, je ne m'entendrai pas moi-même. Puis je reprends. Une deuxième fois, je serai ainsi interrompu. Mais les gens sont contents et me le disent au pot de clôture. Particulièrement les deux jeunes, grands amateurs de littérature, ça me rassure ! Mais heureusement que je ne compte pas sur le chapeau pour survivre !
Nous reprenons nos vélos pour nous diriger, Jean et moi, vers une école, où nous mangeons à la cantine, avec les enfants du centre de loisirs, à une table écartée toutefois, avec une animatrice. Puis nous rentrons, je somnole, poursuis L'idiot, et nous repartons pour une nouvelle lecture en plein air, sur la place de la poste, devant des enfants du centre de loisirs justement, 9-10 ans. Quelques auditeurs du matin, adultes, sont revenus, après avoir mangé au restaurant un repas sans doute meilleur que le nôtre ! Je lis Navratil, et un conte de Tolstoï, Le vieux cheval ; ça ne leur suffit pas, je reprends le texte de Bobin... Je me rends compte à quel point avec les enfants il vaudrait mieux raconter que lire. J'aurais au moins appris ça cette année : à vrai dire, je le savais déjà.



lecture aux enfants sur la place, photo Jean Bec

16 h : nous reprenons les vélos, Jean m'emmène à la Bibliothèque municipale (où j'aurais sans doute été plus à l'aise pour lire aux enfants qu'en plein air) pour me présenter aux bibliothécaires. Puis il me propose une balade à vélo jusqu'au Grau du Roi. Nous prenons un chemin le long du chenal, alors que sur la route, de l'autre côté, les voitures sont au touche-touche, dans un embouteillage monstre. Puis nous rejoignons le canal du Rhône à Sète, toujours sur des chemins plus ou moins empierrés et carrossables, du vrai cyclo-cross. Sur tous ces canaux, et en particulier sur les étangs, on aperçoit des flamants roses en quantité, ainsi que des aigrettes, des échasses et autres oiseaux de bord de mer. La grande bleue n'est pas loin !
Je fais une belle chute, à deux doigts du canal ! Mais c'est incroyable comme je sais me rattraper ! En fin de compte, nous aurons pédalé pendant près de deux heures, avant de prendre le repas du soir, de faire faire une nouvelle balade au chien, puis de prendre un repos mérité.
Et je m'abîme encore dans les aventures du prince Mychkine, cet être extraordinairement pur, dont l'innocence dévoile les failles de la société corrompue qui l'entoure.

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