mercredi 9 septembre 2009

9 septembre 2009 : la chanson des mal aimés


Regrets sur quoi l'enfer se fonde
Qu'un ciel d'oubli s'ouvre à mes vœux
 

(Guillaume Apollinaire, la chanson du mal aimé)

Magique cinéma. Comme il reflète bien le monde et son évolution ! Le cinéma français n’est pas en reste, même s’il reflète finalement assez peu la situation sociale. Par contre, les changements dans les relations entre hommes et femmes, oui.

C’est très net dans Partir, par exemple, dont j’ai déjà parlé, et qui reste un film exemplaire. Mais c’est tout aussi net dans Les regrets (film un peu morne et terne) et Non ma fille tu n’iras pas dansé (celui-là, excellent, lumineux), deux films sortis la même semaine. Dans le premier, Mathieu, quarante ans, (Yvan Attal) recroise Maya (Valeria Bruni-Tedeschi), son amour de jeunesse, et est soudain attiré irrésistiblement par elle, et veut renouer une liaison qui ne mène à rien. Lui est marié, elle a un enfant. Dans le second, Léna (Chiara Mastroianni), qui a un lourd passé d’enfance ("tu es une pasionaria qui s‘ignore"), a quitté son mari Nigel (trop parfait ?), et se retrouve en vacances dans sa famille avec ses deux enfants. Sauf que sa famille (une mère dure et trop infantilisante, une sœur déboussolée, un père dépassé, un frère enfantin) veut faire son bonheur malgré elle. Léna est une révoltée, qui a probablement toujours été rabaissée, et qui s’est condamnée à une vie rétrécie dont elle voudrait sortir : "c’est une vie pour rien" que la sienne. Le film est cruel, d’une grande beauté, un film musical, une chanson, tissée de légende, avec au milieu une histoire ancienne emboitée, d’une fille qui refuse tous ses prétendants. Métaphore de notre monde, où les femmes, Maya, Léna, refusent un ordre trop simple ?

En tout cas, on se sent dans un monde de mal aimés et de mal aimants, et n’est-ce pas la France d’aujourd’hui ? Où l’amour n’est plus qu’une passion égoïste, fiévreuse, aride, résignée, loin de la sérénité et de la paix. Comme si on n’arrivait plus à ajuster ses désirs avec la vie qui nous entoure, et d‘aller réellement à la rencontre de l‘autre. On est dans le désenchantement désespéré. On n’accepte pas d’" aimer celui ou celle qui est devant [soi, de] l’aimer d’être ce qu’il est, une énigme", comme dit Christian Bobin. On le voudrait autre. Mathieu poursuit Maya, mais ne la comprend jamais. Léna reste extérieure à Nigel, comme au jeune Simon. La mère de Léna continue à vivre avec son mari : "Je ne l’aime plus, mais je vis avec lui, c’est important", dit-elle à Léna.

Et voilà qui fait beaucoup de films français intéressants ces derniers temps.

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