lundi 18 juillet 2011

18 juillet 2011 : encore la fête nationale

Le jour du Quatorze Juillet

Je reste dans mon lit douillet.

La musique qui marche au pas,

Cela ne me regarde pas.

Je ne fais pourtant de tort à personne,

En n'écoutant pas le clairon qui sonne.

Mais les braves gens n'aiment pas que

L'on suive une autre route qu'eux...

(Georges Brassens, La mauvaise réputation)



Décidément, notre bonne vieille droite ("la plus bête du monde", selon Guy Mollet) ne change pas. À peine Eva Joly avait-elle annoncé qu'elle souhaitait qu'on remplace le défilé militaire du 14 juillet par un cortège citoyen, que François Fillon en tête – on l'a connu mieux inspiré – a renoué avec la xénophobie outrancière qui est le fonds de commerce le plus sûr de la droite, quand il s'agit de refuser le débat d'idée. Nous avions eu le "Juif allemand" en 1968, à propos de Cohn-Bendit, maintenant, nous avons la "Franco-Norvégienne",sous-entendu, elle n'est pas tout à fait française. Ce serait tragique – surtout sur fond de soldats tués dans une guerre absurde en Afghanistan : saura-t-on un jour à qui elle profite, celle-là de guerre, en dehors des marchands de canons de tout acabit ? – si ce n'était plutôt mesquin. Bas, même, mais on sait que tous les coups bas sont bons, quand il s'agit de dénigrer une femme, surtout une femme qui a eu le mauvais goût d'évincer de la course à la présidentielle notre Monsieur Hulot national (moins marrant que celui de Jacques Tati !).

Pourtant, ce n'est pas d'aujourd'hui que les écologistes, pacifistes par nature, parlent de ce retrait du défilé. Un défilé coûteux, pollueur, bruyant, belliqueux tout de même aussi : il s'agit de montrer au monde nos nouveautés en matière de machines à tuer. Et Dieu sait si en ce domaine nos scientifiques et nos laboratoires – au service des industriels – ne manquent pas de fourmiller d'idées homicides. Ah ! La technologie – le nouveau Dieu – a du bon ! S'ils pouvaient mettre autant de matière grise et de savoir-faire dans les machines à vivre, je pense que notre monde se porterait mieux.

Par ailleurs, ce fameux défilé avait été inauguré dans les années 1880. C'est donc une tradition – au fond, pas si ancienne que ça, – et on sait combien la droite aime se retrancher derrière les traditions. Tout au moins derrière les traditions qui l'arrangent. Mais à l'époque, on était en plein désir de revanche contre l'Allemagne, après l'humiliante défaite de 1870, et il fallait montrer aux ennemis – à défaut de notre courage réel, – notre capacité à détruire, qui a abouti aux boucheries sanglantes de 14-18, puis de 39-45. Ne pourrions-nous pas, aujourd'hui, montrer au contraire notre capacité à construire, notre aptitude à mettre en place un monde meilleur, mettre autant d'argent dans la recherche d'énergies douces, respectueuses de l'environnement et de notre planète, respectueuse des peuples ? Dans la recherche aussi de plus de solidarité entre les humains, plutôt que favoriser les conflits ? "La misère des hommes est insondable", écrivait déjà Blaise Cendrars (Le Ve arrondissement, in Trop c'est trop).

Et je suis atterré aussi par cette misère mentale induite par la recherche permanente de la nouveauté, dénoncée par Paul Valéry, dans L'idée fixe : "Si l'on fait dépendre la valeur d'une chose de l'effet de surprise qu'elle produit, vous arrivez à définir cette chose par cette seule valeur de choc... Savez-vous que ce n'est que depuis... un peu plus d'un siècle que la nouveauté d'une chose a été considérée comme une quantité positive de cette chose ?" Ben oui, de même qu'une tradition n'est en soi pas forcément bonne (sinon l'esclavage, le servage, le meurtre rituel, l'excision, la burqa, etc., seraient à remettre à l'honneur), les nouveautés ne sont pas non plus toujours positives. Surtout en matière militaire, où le XXème siècle aura été le siècle de l'horreur déclinée sous les formes les plus ignobles : gaz moutarde et autres armes chimiques, napalm, défoliants, bombes atomiques, bombes à fragmentation, mines anti-personnel, camps d'extermination, etc. La litanie de l'infamie guerrière contemporaine serait longue à énumérer.

Personnellement, les défilés militaires, loin de me rassurer sur la prétendue "défense" de notre pays, me font plutôt peur. D'ailleurs, montrer sa force de cette manière est plutôt un signe de faiblesse : rappelons-nous les "glorieux" défilés des forces soviétiques sur la Place Rouge à Moscou autrefois (qui n'ont en rien empêché l'effondrement de l'URSS) ou les impressionnants défilés organisés par la Corée du Nord aujourd'hui (c'est bien la seule chose qui marche dans ce pays). Je garde du respect pour les militaires qui, après tout, risquent leur vie, mais n'en ai pas pour tous ceux qui les commanditent : scientifiques et industriels, hommes politiques et idéologues, qui, eux, ne risquent rien, et pourtant propagent la mort.

Tiens, de passage à Paris, allons plutôt voir l'expo Brassens à la Cité de la Musique. Et terminons sur quelques paroles de notre chansonnier national (Mourir pour des idées) :

Les Saint Jean Bouche d'Or qui prêchent le martyre

le plus souvent d'ailleurs s'attardent ici-bas.

Mourir pour des idées, c'est le cas de le dire,

C'est leur raison de vivre, ils ne s'en privent pas.

dimanche 17 juillet 2011

17 juillet 2011 : un quatorze juillet

nous sommes tous et chacun, à des degrés divers, comme des puzzles inachevés, nous côtoyant au gré des courants. Parfois un autre se rapproche de nous, ou nous nous approchons de lui.
(Jean-Pierre Otte, Un cercle de lecteurs autour d'une poêlée de châtaignes)

Je suis devenu un vrai couch-surfeur. Enfin, pas tout à fait complètement encore, dans la mesure où, pour l'instant, je n'ai fait que recevoir du monde, j'ai été un hôte – hospitalier, je pense – mais pas encore un invité, par ce système du couch-surfing, qui montre qu'internet a aussi du bon, et permet de mettre une partie des relations humaines en dehors des valeurs marchandes.
En effet, je viens de recevoir Krzysztof et Jaček, deux Polonais de Lublin, qui m'avaient contacté au mois de mai, pour passer le quatorze juillet en France et, plus spécialement, à Poitiers. Qu'est-ce que le CouchSurfing ? C'est un service d'hébergement de personnes en ligne, sans publicité, ouvert depuis janvier 2004. CouchSurfing cherche à « rapprocher les personnes et les lieux dans le monde, créer des échanges de savoir, élever la conscience collective, diffuser la tolérance et faciliter la compréhension interculturelle » (définition trouvée dans Wikipedia). On s'inscrit sur le site, on définit son profil, on signale combien de personnes on peut accueillir, etc. Jusqu'à présent, je n'avais utilisé le système que pour mes repas du mardi soir chez Cédric, le célèbre couch-surfeur de Poitiers, et pour une rencontre autour d'un pot avec un Tunisien de passage à Poitiers.
Mais j'étais prêt à héberger du monde. J'avais signalé sur mon profil que je ne pouvais héberger que deux personnes. Krzysztof et Jaček étaient accompagnés de Youri et Maria, un couple d'Ukrainiens, qui avaient réservé une chambre à Citéa (appart'hôtel). Le quatuor n'a pas trouvé de couch-surfeur hôte à Paris, où ils venaient de passer trois jours (on sait bien que beaucoup de Parisiens préfèrent louer leur appartement, que là-bas, la gratuité est un gros mot, j'en excepte Claire et François, mes cousins que je remercie encore pour mes derniers séjours à Paris) et s'étaient logés dans un appart'hôtel pour quatre personnes. Ils sont arrivés le mardi après-midi. Ô surprise, pour commencer ! Jaček m'offre son recueil de poèmes (en polonais, évidemment) : j'ignorais que j'allais accueillir un poète !
Le soir même, nous mangions chez Cédric, pour un de ses fameux repas. Comme je lui amenais d'un seul coup cinq personnes à sa table, je lui avais apporté en complément une ribambelle de saucisses de Morteau, que les dix convives présents n'ont d'ailleurs pas achevées, tant il y avait à manger, après l'apéritif à l'épine, et à boire (rosé, puis rouge). Nous sommes sortis de table vers 21 h 30 pour faire une station au Biblio-café, qui vient de s'ouvrir et qui a un beau succès : c'est à la fois un café-salon de thé, et une librairie d'occasion, et on peut d'ailleurs lire gratuitement les livres autant que les acheter. Concept admirable (cf le Samovar à Bordeaux, où j'ai d'ailleurs fait des lectures à haute voix). Alexis et Marjolaine, les promoteurs, ont joliment aménagé la chose, on a envie d'y venir, et d'y rester. Il y a même la wi-fi pour les enragés du net. De là, nous sommes allés voir les illuminations de Notre-Dame-la-Grande : je ne sais pas si c'est à cause des Polonais et des Ukrainiens, ou si la luminosité était parfaite, ou s'ils ont amélioré la chose depuis les années précédentes, mais je n'avais jamais trouvé ça aussi beau !
Le lendemain, mercredi 13, après un tour au marché où la bande des quatre a acheté moult victuailles, je les ai emmenés au Futuroscope, et les y ai laissés pour la journée. À 23 heures, je les récupérais, contents – et fatigués – de leur journée. Leur idée était, pour me remercier, de préparer un repas polonais et ukrainien pour fêter notre 14 juillet, d'où les achats de légumes, de viandes du mercredi matin. Ce repas, dont les préparatifs commencèrent le matin – avant une visite pédestre de Poitiers – pour Jaček (un plat à base de chou dénommé bigos), poursuivi à partir de 13 h par Maria et Youri pour le bortsch ukrainien (soupe à base de betteraves, pommes de terres, carottes, oignons, viande, épices) et les fameux piroguis au fromage (les raviolis russes ou polonais). Bref, j'étais affamé quand nous sommes passés à table vers 16 heures seulement, mon petit déjeuner datant de 7 h du matin ! Nous avons fait honneur aux trois plats, et il restait encore du bortsch et des piroguis. Je leur ai proposé de se reposer avant d'aller en ville pour assister au feu d'artifice (Krzysztof est venu pour ça !). Ce que nous fîmes. Nouvelle promenade dans les rues, station au Biblio-café, où mes deux Polonais trouvèrent moyen de dévorer encore une assiette de fromages et charcuterie et, vers 20 h 30, nous étions sur la Place d'Armes, où nous nous munîmes d'un lampion (fourni par la mairie) pour la marche jusqu'au Parc de Blossac, où le feu d'artifice allait être tiré. Et à 23 h, nous étions à pied d'œuvre pour assister au plus beau feu d'artifice que j'aie jamais vu. Par la grâce de mes hôtes ?
Couchés tard, nous nous sommes pourtant levés assez tôt, car, cerise sur le gâteau (pour eux), comme ils avaient manifesté l'intention de clôturer leur programme poitevin par une visite de La Rochelle, je leur ai proposé, plutôt que d'en louer une, d'utiliser ma voiture, et qu'on y aille tous ensemble. Ce fut magnifique. Très belle journée. Balade dans les rues, visite d'églises et des rues à arcades, des Tours médiévales, bus de mer, repas au restaurant (qu'ils ont eu l'amabilité de me payer, puisque je leur avais offert la voiture), plage l'après-midi : Jaček, Krzysztof et Youri se sont baignés, j'ai trempé mes pieds, ainsi que Maria. Et, de retour à Poitiers, nous achevâmes le bortsch (que j'avais épaissi avec des farfalles et des légumes) et les piroguis. Youri m'offrit son disque de jazz ukrainien, car il est artiste et participe à un groupe. En retour, ils ont eu droit à mes trois livres... Certes, en dehors de Krzysztof, aucun ne parle français, et notre langue de communication aura été un anglais un peu sommaire. Comme Youri et Maria repartaient tôt le samedi matin pour Paris, je les ai reconduits chez Citéa, à deux pas de la gare. Où nous nous sommes dit "do widzenia" (au revoir en polonais).
Le samedi matin, j'ai emmené de nouveau Jaček et Krzysztof en balade, cette fois pour admirer l'église Saint-Hilaire, puis récupérer mes légumes à mon jardin associatif, qui a beaucoup intéressé Jaček. Il envisage d'exporter l'idée à Lublin, dans le cadre des projets municipaux à mettre en place. Après un dernier repas chez moi, une dernière visite : notre petit centre scientifique de Poitiers, l'Espace Mendès-France, car Jaček projette aussi une telle création dans une gare désaffectée de Lublin. Décidément, je leur aurai proposé pas mal de découvertes au travers de quelques jours bien chargés (et très fatigants pour moi !). Après quoi, je les ai amenés à l'aéroport, d'où ils embarquaient pour Londres.
Que je les décrive un peu : Jaček, Krzysztof, mes deux invités, se portent très bien et mangent comme des ogres ! Youri et Maria sont, eux, minces. J'ai cru comprendre que le polonais et l'ukrainien sont des langues très voisines et ils se comprennent très bien entre eux. Et pour moi, ce fut un quatorze juillet pas comme les autres, des rencontres extraordinairement conviviales : inutile de dire que je suis invité à Lublin et à Lvov ! Irai-je, c'est une autre affaire ?

lundi 11 juillet 2011

11 juillet 2011 : Bienvenue en Palestine

Si l'on se penche sur les erres de ce siècle prédateur on peut voir trembler en leur fond des regards par millions, hallucinés de faim, de souffrance et d'effroi...
(Sylvie Germain, Les échos du silence)

Il y a comme un mur
une barrière d'ignorance
une terre confisquée
un peuple introuvable
et l'impossibilité d'aller et de venir

Il y a comme une prison
dans les têtes dans les corps dans les mots
comme si les oiseaux soudain
n'avaient plus d'ailes
comme si les enfants soudain
redevenaient muets
comme si les soleils soudain
n'éclairaient plus rien

Il y a comme un goût d'inachevé
une haine du silence et du mouvement
un hiver éternel où l'on ne dénombre plus les étoiles
un printemps qui ne vient jamais
la liberté devenue simulacre

Il y a comme un mur
qui nous sépare
de nous-mêmes

* * *

Comme je suis en ce moment – et, à vrai dire depuis fort longtemps – particulièrement sensibilisé au problème de la Palestine, de cette occupation qui s'éternise, de cet enfermement de toute une population derrière des murs (et très hauts !), des barbelés, des miradors, des check-points, de ce blocus, punition infligée à tout un peuple qui a "mal voté", du bafouement perpétuel du droit international et des résolutions de l'ONU, je n'ai pas envie de philosopher là-dessus ; de plus avisés que moi, politologues, juristes, historiens, le font. Je me contente donc de vous proposer le poème ci-dessus, et sans aucune animosité.
Mais enfin, s'il me prenait la fantaisie de vouloir aller en Palestine – avec le développement d'internet, je peux bien avoir des connaissances là-bas, non ? – le pourrais-je, en dehors des voyages organisés, labellisés "Terre sainte" ?
Eh bien non, puisque de toutes parts, la Palestine est cadenassée, bâillonnée, que l'aéroport de Gaza qui fut, si je ne me trompe, financé par l'Union européenne, a été détruit par l'occupant, que les frontières avec la Jordanie, la Syrie, le Liban, l'Égypte, sont verrouillées par Israël, que la façade maritime est inaccessible (voir l'aventure de la flottille pour Gaza en 2010, neuf morts et vingt-huit blessés, tout de même) ; force est de constater qu'on doit passer par Israël pour atteindre la Palestine ou les "territoires" occupés : donc je ne peux pas y aller, si je ne veux pas faire allégeance à un état dominateur.
Tout un peuple est otage d'un conflit qui s'éternise (et même deux, car les Israéliens eux-mêmes sont victimes de la situation), d'une colonisation qui ne se cache plus (parmi les plus féroces qui soient : expulsions, destructions de maisons, de vergers, d'oliveraies, tout est bon pour faire partir ceux qui sont là et qui gênent) et qui alimente une haine inextinguible. Aujourd'hui, de toute façon, en cas d'accords, tout cela rendrait l'existence d'un état palestinien (constitué de lambeaux) à peu près non-viable.
Alors, oui, je pense à nos compatriotes emprisonnés actuellement en Israël (avant d'être expulsés) dont le seul tort était de venir apporter un soutien amical aux Palestiniens. Je laisse à la propagande israélienne (et Dieu sait si elle est puissante, et bien relayée en France) le soin des les traiter de "provocateurs".

vendredi 1 juillet 2011

1er juillet 2011 : Vive le vide !


Vous allez demander : et où sont les lilas ?

(Pablo Neruda, L’Espagne au cœur)




Voilà, ils ont réussi : je me demandais hier ce que faisait cette cohorte d'ouvriers qui tentaient de soulever, avec des engins spéciaux, les énormes bacs à fleurs et les bancs en béton qui ornaient l'esplanade devant ma tour. Forcément, je les ai interrogés : — Qu'est-ce que vous faites là ?

Réponse : — Nous répondons à la demande du comité de quartier ; ils paraît qu'il y a toute une faune qui traîne et s'installe là le soir ; ça gêne, ça fait du bruit, ça laisse traîner des déchets...

Déjà, ils avaient tondu à ras la haie de lauriers qui longeait la balustrade. Maintenant, on enlève les plantes, les fleurs, on empêche les gens de s'asseoir dehors : peu à peu, la vie s'en va. Et voilà, ce matin, il n'y a plus rien. Certes, les quelques perturbateurs, que personnellement je n'ai jamais vus, alors pourtant qu'il m'arrive souvent de sortir le soir et de rentrer à la nuit, ne viendront plus, sauf à s'asseoir sur les marches qui mènent à la tour elle-même. Quand je pense que c'est là que je rangeais mon vélo pour la nuit, et qu'il m'est même arrivé d'oublier de l'accrocher avec l'anti-vol, et que cette faune, sans doute des hordes de barbares, auraient pu le faucher, le briser, le tordre, en faire une sculpture de César, je frémis rétrospectivement...

Je savais que j'habitais dans un bunker de vieux. Mais franchement, j'espère qu'un jour je ne deviendrai pas comme eux, qui ont réussi à faire le désert autour d'eux. Et je ne regrette donc pas de quitter ce lieu. On parle de mixité sociale, il faudrait peut-être parler aussi de mixité inter-générationnelle. Il n'y a rien de plus triste que de se retrouver entre vieux (voir le film Gianni et les femmes, très réussi), et je comprends les réticences de Georges Bonnet, malgré ses 92 ans, envers les maisons de retraite.

On veut du propre, du net, du sans bavures. Faut donc éliminer tout ce qui fait tâche, bruit, sueur, tout ce qui est vie finalement : Joy Sorman, dans Du bruit signale cependant que la "dignité des hommes [est] toujours évaluée au maillot mouillé, dans le rap et ailleurs : payer de sa personne, monter au front. Un homme qui ne transpire pas est suspect ; front sec, chemise impeccable, regard torve, pas franc du collier, celui-là. Le héros est en nage".

Va-t-il falloir mettre nos jeunes dans des camps retranchés, pour ne plus les voir, ne plus supporter leur tapage (le bruit de la circulation sur le boulevard m'a paru bien plus gênant que les rares palabres vespérales sur notre esplanade), alors que déjà on ne leur offre plus d'emplois, qu'on est en train de leur préparer une vie sans avenir ? J'écoutais attentivement les jeunes Grecs interrogés à la radio (France Culture) et je comprenais leur refus d'être pris pour des andouilles et leur révolte. Quand on pense que Christine Lagarde, nouvelle patronne du FMI (avec des émoluments de 300 000 dollars par an, logée et nourrie sans doute en plus, sans compter les multiples déplacements qu'elle ne paie pas), leur enjoint d'accepter de nouvelles réductions de salaire (encore faudrait-il qu'ils en aient un !) et de retraite, que ne commence-t-elle par diminuer son fastueux train de vie ? C'est effarant de voir tous ces gens qui nous gouvernent, qui vivent grassement, et qui trouvent qu'on peut vivre avec un RMI, un RSA, une allocation d'handicapé, qu'il ne faut pas tricher avec les allocations familiales, avec la sécu, etc., alors qu'ils sont les premiers à tricher, par exemple en boursicotant.

Et, bien sûr, "ils" ont trouvé la faille dans la victime de DSK, il fallait s'y attendre.

Il y a des jours comme ça où on est écœuré.