lundi 15 octobre 2012

15 octobre 2012 : un dinosaure



Et l'on dit en effet que le sage vit autant qu'il le doit et non autant qu'il le peut. Le meilleur cadeau que la Nature ait pu nous faire, et qui nous ôte toute raison de nous plaindre de notre condition, c'est de nous avoir laissé la clef des champs ; elle n'a mis qu'une seule entrée à la vie, mais cent mille façons d'en sortir.
(Montaigne, Les Essais, Livre II, 3, 4 trad. Guy de Pernon)


Quelques mots avant de quitter Bordeaux pour la semaine. Le blog va donc momentanément s'arrêter car je vais être pris par les rencontres multiples avec mes amis poitevins, ainsi que par les manifestations littéraires de Passeurs de monde, écrivains, éditeurs et traducteurs étant à la fête.
J'espère n'avoir blessé personne avec mes derniers blogs, notamment en parlant des minorités. On m'a fait remarquer que certaines minorités sont dangereuses ; ainsi les terroristes, d'autant plus dangereux qu'ils peuvent faire l'objet de l'admiration de larges majorités : la radio rapportait ces jours-ci que les jeunes de nos quartiers considéraient généralement Mohamed Merah comme un héros ! De très larges fractions (la majorité ?) des habitants des pays musulmans restent admiratifs devant les attentats du 11 septembre 2001 ! Mais on voit bien qu'on retombe alors devant la majorité qui fait peur... Les majorités font toujours peur, parce qu'elles sont toujours prêtes à prendre le vent dans le sens qui les arrange, comme on a pu le voir dans Le chagrin et la pitié, où à quelques mois d'intervalle, Pétain puis De Gaulle étaient acclamés par une foule parisienne en liesse, dont probablement une bonne partie était composée des mêmes individus !
Je me référais surtout aux minorités fragiles, celles qui ont besoin d'être encouragées et soutenues : les enfants en premier lieu bien trop souvent abrutis et maltraités, les différents (étrangers, gitans, sans-papiers, homosexuel(le)s et transsexuels, artistes et poètes, doux dingues), les amoureux vrais (très minoritaires par rapport aux stakhanovistes du sexe), les handicapés (bonjour le parcours du combattant dans les villes et sans doute pas que là !) et les malades, les vieux et les isolés, les chômeurs et les très pauvres (car, n'en déplaise au patronat, sans pauvres en très grand nombre, les actionnaires et spéculateurs ne s'enrichiraient pas, et je suis assez d'accord avec le personnage de Ben Okri, qui dans la nouvelle Dans la ville de poussière rouge, du recueil Étoiles d'un nouveau couvre-feu, "en arriva à la conclusion qu'il était impossible de s'enrichir honnêtement. Quand il y a de l'argent, il y a vol, se dit-il !"), les lecteurs (eh oui, nous sommes aussi une minorité !) et les gens qui souhaitent se cultiver et partager leurs connaissances, les partageux d'une façon générale, etc... On pourra sans doute me dire qu'en additionnant tout ce monde, on obtiendrait une majorité, sauf qu'une addition de minorités n'a jamais fait une majorité. 

 
Et qu'il y a des minorités très fragiles : celle des lecteurs et des acheteurs de livres, par exemple, va bientôt disparaître, entraînant la fermeture des librairies (ça a déjà commencé, le processus est largement entamé aux USA et comme on suit béatement toutes les conneries de ce grand pays, ça ne saurait tarder en France)... Pour l'instant, ça ne se voit pas trop, parce que les éditeurs multiplient les publications, et qu'on a l'impression par la quantité de la production qu'il y a de plus en plus de lecteurs et d'acheteurs. Il n'en est rien. Toutes les statistiques le disent. Le nombre moyen d'exemplaires par titre a chuté fortement. Ces dernières années, le nombre d'emprunts en bibliothèque s'effondre dramatiquement. D'ailleurs, je ne vois pas comment la nouvelle génération, qui saute d'un écran à un autre (télévision, ordinateur, smartphone, etc.), tous écrans bouffeurs de temps, trouverait du temps, du silence aussi, pour lire.
C'est plié, je suis un dinosaure !

Aucun commentaire: