mardi 2 octobre 2012

2 octobre 2012 : C'est pas de la tarte !


MADAME HALL : Je suis vieille !
LE DOCTEUR : C'est ainsi qu'on devient ; les livres nous l'apprennent, on en entend parler, on s'en rend compte, et puis on y est, c'est atroce. Moi aussi, je suis vieux !
(August Strindberg, Camarades)


L'embêtant, avec les nouvelles technologies, c'est qu'elles nous poussent à la vitesse, et qu'elles nous en rendent dépendants. Difficile après de supporter avec patience, par exemple, la convalescence après une opération comme celle que je viens de subir. C'est vrai, avec ce type d'intervention on ne m'a pas ouvert, je n'ai pas de coupures, je suis sorti le lendemain en ne sentant rien, comme si on ne m'avait pas opéré – et pour cause, l'anesthésie par péridurale persiste encore quelques jours au niveau du bassin, en tout cas ne s'atténue que lentement, et c'est seulement depuis hier après-midi que je ressens quelque chose au périnée, mais on ne peut même pas parler de douleur. Par contre, les inconvénients post-opératoires sont bien là, je n'insiste pas là-dessus, pour ne pas me transformer en membre à part entière de la tribu des « T'as mal où ? », tribu que j'ai toujours trouvée fort désagréable.
Malgré tout, faut bien garder le moral, puisque la guérison vient en grande partie de là. Autrefois, on vous gardait des jours et des jours à l'hôpital, vous étiez chouchouté, entouré, presque bercé, vous pouviez appeler si besoin était, et une gente nounou venait vous retaper le lit ou vous apporter une tisane et un sourire de consolation. Aujourd'hui, on vous met dehors à toute berzingue – ça aussi c'est un effet de la vitesse d'aujourd'hui – et démerdez-vous avec votre médecin traitant pour vous expliquer ce qui se passe ! Ben mon colon, vieillir, c'est coton, et comme le dit le toubib dans la pièce (remarquable) de Strindberg, on le lit dans les livres, on en entend parler, ne serait-ce que par nos grands-parents et parents sur qui on a vu la vieillesse se poser, donc on sait que ça existe, mais quand ça vous tombe dessus, ça surprend quand même. On pourrait résumer la somme de Simone de Beauvoir, justement intitulée La vieillesse par : « Ben, c'est pas de la tarte ! ».
August Strindberg - Théâtre complet - Tome 2.
Bien sûr, d'ici quelque temps, je serai remis, de nouveau bon pour le service, et prêt à continuer à visiter les uns et les autres, à tâcher d'être toujours bon pour le partage et la solidarité, puisque c'est mon credo. Tiens, à ce propos, je me suis réengagé auprès de l'association caritative qui s'occupe de jeunes Colombiens (revoyez sur mon blog à la date du 26 janvier 2008 ce que je disais d'eux), les musiciens que nous hébergions en demi-pension quand ils venaient au conservatoire de Poitiers : il y eut Alexander, David et Edwin entre 2007 et 2008. Non seulement ils ne nous ont pas oublié, mais Edwin est resté en France, il a été reçu an CFMI (Centre de Formation des Musiciens Intervenant à l'école de Poitiers), et j'avais gardé sa trace sur facebook. L'association me propose – ou plus exactement je leur ai dit que je pouvais le faire – de recevoir une jeune Colombienne, Alejandra qui, elle, va au conservatoire de Bordeaux, et qui a besoin d'un hébergement tous les mardis et mercredis. Elle arrive donc tout à l'heure pour la première fois. Demain soir, je lui ferai rencontrer ma sœur Maryse chez qui elle ira quand je serai absent de Bordeaux. Puisque bien sûr, si je m'engage, c'est pour l'année scolaire...
Je gage que cette action va me requinquer plus vite que toutes les médecines du monde (j'ai un nombre effarant de médicaments à prendre chaque jour, j'ai été obligé d'en dresser la liste, pour le matin et pour le soir, pour ne pas m'y perdre). Rien ne vaut encore les rencontres humaines, les vraies, y compris avec des inconnu(e)s, pour soulager son vague à l'âme. Surtout quand on sait qu'on se rend vraiment utile et que des sourires en retour nous éclaireront ! Et, qui sait, ça éloignera peut-être le virus de la vieillesse, ce cochon qui sommeille en nous !

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