le
besoin fondamental humain est ce qui est absolument nécessaire à la
vie, à la croissance et à l'épanouissement de l'être humain.
(Joëlle
Randegger, Le
mariage dans tous ses états)
Pas
besoin d'être grand clerc pour savoir que le monde va mal. Il n'est
que d'écouter la radio, de lire les journaux, de regarder la
télévision, de lire des romans, de voir des films ou des pièces de
théâtre récents pour découvrir l'étendue des dégâts moraux,
psychiques, spirituels du monde contemporain. On peut voir par
exemple dans l'excellent documentaire de Ken Loach, L'esprit
de 45,
à quel point le détricotage systématique de l'état-providence
opéré par l'horrible Thatcher – en voilà une sur la tombe de qui j'irai bien cracher !, avec la complicité des financiers,
des spéculateurs et de l'ensemble de la classe politique anglaise
(travaillistes compris, devenus complètement éloignés de la classe
ouvrière, dont ils étaient issus et dont ils furent le fer de lance, et
travaillant désormais uniquement pour les soi-disant classes moyennes, parachevant le travail de Thatcher ?), comment
ce détricotage donc, a détruit l'espérance de chacun de pouvoir
réellement peser sur sa vie personnelle. Il faut relire d'ailleurs à ce sujet le
programme de notre Conseil national de la résistance (réédité au
complet sur le site
http://www.humanite.fr/politique/les-jours-heureux-le-programme-du-conseil-national-542380)
pour voir à quel point nos gouvernants sont aux antipodes des idées
d'après-guerre et aux ordres exclusifs du Capital et de la spéculation.
Mais
la trilogie filmée d'Ulrich Seidl, Paradis
(1 : Amour,
2 : Foi,
3 : Espoir)
démontre carrément que le monde occidental a oublié les "trois
dimensions de l'être, physique, psychosociale et spirituelle",
sans lesquelles, selon Joëlle
Randegger, "la
frustration engendrée par le manque ou par l'indifférence est
source de réponses inadéquates qui génèrent à terme, violences,
conduites à risque, névroses, addictions."
Tout se passe dans l'Autriche hyper développée du début du XXIe
siècle. Amour
montre que les femmes mûres sont les premières touchées par le
manque d'amour, l'indifférence des hommes dès qu'elles ne sont plus
montrables, désirables : elles se sentent obligées d'aller
acheter du plaisir auprès des jeunes noirs d'Afrique orientale,
nouvelle version du colonialisme. Foi
affiche
l'incapacité des humains d'aujourd'hui à intégrer une vraie
spiritualité dans un univers totalement voué à la consommation
matérielle : l'héroïne développe une névrose de
prosélytisme inappropriée qui la rend incapable de vivre avec un
époux paraplégique. Quant à Espoir,
il est peut-être encore plus terrifiant, sous des allures plus légères – si on peut dire !
En effet, il
met en scène des jeunes gens, filles et garçons de 13-14 ans à la
limite de l'obésité, réunis dans un camp de diète destinée à
leur faire perdre des kilos superflus. Exercices physiques sous la
conduite d'un moniteur adepte d'une stricte discipline, natation, promenades
en forêt, apprentissage de la diététique, sont au menu. On apprend
incidemment par une conversation entre filles que toutes sont issues
de familles désunies, s'entendent mal avec le parent avec qui elles
vivent (la mère) et ne voient guère le géniteur, qu'elles
détestent cordialement. Les jeunes filles – frustrées de nourriture – se lèvent en cachette la
nuit pour aller dévaliser la cuisine, font la fête et boivent de
l'alcool dans leur chambre de quatre lits, et deux d'entre elles font
le mur une nuit, pour aller dans la boîte de nuit voisine, où la
plus fragile, très imbibée, se fait draguer par un adolescent ;
ce dernier tente de la violer sous l’œil du téléphone portable
de son copain qui filme la scène : comble de l'abjection,
heureusement arrêtée par le gérant de la boîte qui appelle les
responsables du camp. Cette pauvre fille s'était amourachée du
médecin du camp, homme célibataire et bizarre. Bref, on est dans un
univers adolescent où le manque de repères (autres que le téléphone
portable, les fringues, la publicité, l'alcool et le sexe sans amour), les
séparations sources d'insécurité, l'absence de tendresse autant
que d'autorité, créent une souffrance qui, dans le film, se porte
vers l'excès de nourriture et l'obésité.
On
dirait que dans la société autrichienne d'aujourd'hui – on peut y
lire en filigrane qu'elle n'a pas fait son deuil du nazisme ? –
les parents ont oublié qu'ils sont au "service
du plus faible, celui de l'amour qui se donne pour que l'autre vive",
selon les mots d'Albert
Schweitzer dans Vivre.
Il faut de tels films pour prendre conscience qu'on ne peut pas laisser les choses perdurer ainsi, mais malheureusement, ce ne sont pas les 10 000
spectateurs qu'ils font, quand des conneries comme Iron
man,
Les
profs
ou Fast
and furious, attirent
des millions de spectateurs, qui vont attirer l'attention du plus
grand nombre.
Ainsi va le monde...
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