samedi 22 juin 2013

22 juin 2013 : troisième âge


Jamais je n'ai su m'installer dans la vie. Toujours assis de guingois, comme sur un bras de fauteuil ; prêt à me lever, à partir.

(André Gide, Journal, 14 juillet 1930)



Je dois avoir une drôle de touche en me baladant avec mon veston marron recouvrant mon tee-shirt blanc, mon pantacourt corsaire noir, mes mollets à nu, mes chaussettes et mes chaussures. Je vois bien qu'ici ou là, on me regarde avec amusement, mais pourquoi ne pas m'habiller comme il me plaît ? J'aime les culottes courtes, c'est un fait, et j'étais désarçonné cette année de ne pas pouvoir les enfiler plus tôt pour cause de froidure et de pluie... Maintenant que les températures avoisinent les 18/20°, je peux enfin dévoiler mes mollets jusqu'à la fin août, j'espère. Et en souhaitant que ça n'encouragera pas les gérontophiles (voir plus bas) !

J'apprécie le cinéma Utopia (comme le Diagonal de Montpellier et en général, les cinémas dits d'art et d'essai) parce qu'il n'y a pas de publicité avant les films – la pub, ma phobie permanente, qui explique aussi pourquoi je ne regarde quasiment pas la télévision que je considère comme une vaste publicité déguisée –, je ne suis malheureusement pas assez courageux pour faire partie des « casseurs de pub » concrets, ceux qui taguent les panneaux publicitaires envahisseurs de panoramas, et je me contente donc d'acheter assez régulièrement La décroissance, un des rares périodiques qui me paraissent aller dans le bon sens, et de consulter de temps en temps le site http://www.casseursdepub.org/.

Néanmoins, il arrive même à ces cinémas de projeter des films médiocres. Hier je suis donc allé à l'Utopia voir Les beaux jours, parce que j'aime voir Fanny Ardant. C'est le degré zéro du cinéma : un film programmé pour passer à la télé, des gros plans à tire-larigot, un scénario très relâché, des situations convenues. Et puis, y en a un peu marre de ces films « troisième âge » qui pullulent depuis quelque temps : Quartet, de Dustin Hoffman (que je n'ai pas vu, mais dont on m'a dit du bien, ce qui ne m'étonne pas, vu l'excellence des acteurs britanniques, notamment Maggie Smith), le faiblard La fleur de l'âge (tellement nul que le film datait de 2011 et est resté en boîte pendant deux ans !) ou le sinistre A song for Marion, sortis par exemple les mois dernier. De la même manière que je n'aime pas les maisons de retraite parce qu'on y ségrègue les vieux – je préfèrerais des maisons communes, où l'on trouverait toutes les générations confondues – je supporte mal ces films de vieux, sans doute remplis de bonnes intentions, mais qui font aussi une sorte de ségrégation. Le seul qui ait trouvé grâce à mes yeux fut le film anglais de l'an passé Indian palace, parce que très original et admirablement bien joué (Maggie Smith entre autres acteurs).


Certes, ici, Caroline (Fanny Ardant), toute jeune retraitée, envoyée par ses filles dans un club de 3ème âge intitulé Les beaux jours – et on a droit à tous les clichés éculés sur ces clubs avec leurs différents ateliers : yoga, gymnastique, théâtre, poterie, informatique, randonnée scientifique en bord de mer, etc. –, Caroline donc y rencontre un jeune professeur d'informatique (il a l'âge de ses filles, dans les 35 ans), qui doit souffrir de troubles d'hypersexualité (ou de gérontophilie, ou de myopie), puisqu'il lui saute dessus ! Et donc, il y a bien une rencontre transgénérationnelle qui aurait dû me plaire et pu être émouvante si on y avait cru un seul instant, ce qui n'est pas le cas : c'est tout bonnement ridicule et mal filmé, proche du néant. Et donc très insuffisant pour donner de l'intérêt au film, le roman qui a servi de base ne doit pas être bien fameux. Fanny Ardant a l'air d'être ailleurs (on la comprend), et son jeune tourtereau aussi. Sur la différence d'âge en amour, 20 ans d'écart, sorti il y a quelques mois, sans être un chef-d’œuvre, était infiniment plus percutant. 
Bref, je vais être plus regardant dans mes choix cinématographiques, même à l'Utopia, qui m'avait habitué à mieux ! Quitte à voir un film dont les héroïnes sont âgées, ça me donne envie de revoir La vieille dame indigne, tiens ! Ou celui sorti il y a peu, d'une intelligence et d'une humanité singulières, le film chinois Une vie simple, dont j'ai déjà causé (9 mai). Voilà que les Chinois nous montrent la voie, nous donnent des leçons, maintenant ! Encore une fois, écoutons Gide : "Pas plus que de considérer la jeunesse seulement comme une promesse, sied-il de ne voir dans la vieillesse qu'un déclin. Chaque âge est capable d'une perfection particulière. C'est un art que de s'en persuader, de contempler ce que les ans nous apportent plutôt que ce dont ils nous privent, et de préférer la reconnaissance aux regrets" (Journal, 29 janvier 1929).

 




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