jeudi 11 juillet 2013

11 juillet 2013 : Pologne, Italie, canicule et poésie


Depuis qu‘il est libre, il n‘a jamais connu l‘ennui, ni le désœuvrement. Il lui suffit de regarder autour de lui pour être distrait.

(Edouard Peisson, Hans le marin)



La chaleur est tellement excessive (il y avait 27° dedans hier au soir, et la chaleur nocturne est restée supérieure à 20°, et il y a encore 26°5 ce matin en dépit des courants d'air nocturne) qu'en ce moment les ouvriers du chantier commencent très tôt et m'ont réveillé à six heures ce matin, mais peut-être même ont-ils commencé plus tôt encore. J'ai dormi sans même un drap, enveloppé quand même dans mon pyjacourt, faisant des rêves bizarres que j'ai déjà oubliés...

Quelques personnes, à qui j'ai déjà envoyé mon recueil, m'ont remercié du poème qui leur est dédié. R., un des jeunes couch-surfeurs qui a transité l'an passé par chez moi, et qui, entre autres activités, enregistre des livres à haute voix pour les aveugles, me dit qu'il va l'enregistrer. J'en suis d'autant plus content que je considère ces poèmes comme ayant été souvent conçus et travaillés pour l'oralisation. Rabiyah, Irakienne de Poitiers, qui en a écouté quelques-uns lors de mon petit récital vendredi dernier en l'honneur de Georges Bonnet et Odile Caradec, veut en traduire en arabe !!! J'ai presque achevé l'envoi du Temps écorché aux personnes à qui je veux l'offrir. Je l'ai envoyé aussi à quatre revues de poésie pour qu'ils en signalent la parution et en fassent, éventuellement, une critique. Il me reste à voir avec Sud-Ouest s'ils peuvent faire un article avec photo et à l'offrir aussi lors de mon prochain voyage à Poitiers aux amis de la région, plus quelques envois à des amis éloignés. En particulier je le porterai à Léone, la Montmorillonnaise de 93 ans, à qui je vais rendre visite le 25 juillet, et qui souhaite en apprendre par cœur pour les dire à la radio locale ! Elle m'a appris que son désir de voyage n'était toujours pas apaisé, elle a encore fait une grande croisière en Méditerranée l'an passé : paraît que l'orchestre de bord jouait exprès La vie en rose pour elle, la doyenne ! Sacrée Léone !

Mes couch-surfeurs polonais sont arrivés hier : Krzysztof, déjà venu à Poitiers il y a deux ans pour le 14 juillet, est accompagné cette fois de Dorota, Anita et Renata. Nous avons fait en fin d'après-midi une visite du centre ville (Monument des Girondins, Grand Théâtre, Cathédrale, Place de la Bourse et miroir d'eau, Pont de pierre, petites rues pittoresques du quartier Saint-Pierre), j'ai trempé mes pieds souffrants dans le miroir d'eau (dont l'effet miroir n'existait guère, vu les nombreux piétineurs, sauteurs, baigneurs couchés, coureurs, aspergeurs qui s'en donnaient à cœur joie !) et nous avons mangé dans un des restaurants de la rue des Faussets : ils ont goûté à la salade de gésiers, à la gratinée d'oignons, au boudin aux pommes et à la croustille de porc confit, voulant manger local. Ce jour, ils vont se débrouiller tout seuls, prendre le tram et le batcub (le bateau bus), j'irai peut-être les rejoindre au Musée des Compagnons du tour de France, que je ne connais pas encore (je connais celui de Tours), dans l'après-midi. Ce soir, ils (elles plutôt) vont me préparer une cuisine polonaise (ingrédients achetés hier), et demain, je les emmène à la dune du Pyla le matin et Arcachon l'après-midi.

Et, pour compléter mon propos d'hier, je vous invite à méditer sur le texte suivant :
Valeur

J'attache de la valeur à toute forme de vie, à la neige, la fraise, la mouche.

J'attache de la valeur au règne animal et à la république des étoiles.

J'attache de la valeur au vin tant que dure le repas, au sourire involontaire,  à la fatigue de celui qui ne s'est pas épargné, à deux vieux qui s'aiment.

J'attache de la valeur à ce qui demain ne vaudra plus rien et à ce qui aujourd'hui vaut encore peu de chose.

J'attache de la valeur à toutes les blessures.

J'attache de la valeur à économiser l'eau, à réparer une paire de souliers, à se taire à temps, à accourir à un cri, à demander la permission avant de s'asseoir, à éprouver de la gratitude sans se souvenir de quoi.

J'attache de la valeur à savoir où se trouve le nord dans une pièce, quel est le nom du vent en train de sécher la lessive.

J'attache de la valeur au voyage du vagabond, à la clôture de la moniale, à la patience du condamné quelle que soit sa faute.

J'attache de la valeur à l'usage du verbe aimer et à l'hypothèse qu'il existe un créateur.

Bien de ces valeurs, je ne les ai pas connues. 
 

(Erri De Luca, Œuvre sur l'eau, Seghers, 2002, trad. par Danièle Valin)

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