dimanche 11 août 2013

11 août 2013 : Colombie au cœur : accueil et réciprocité


Aller, venir, prévoir, projeter, s'inquiéter pour des conneries, s'agiter pour des broutilles, batailler dans le relationnel... quant à l'essentiel, aucune nouvelle !

(Jean-Pierre Georges, L'éphémère dure toujours)



Je parlais de chances ces derniers jours ; j'ai eu encore la chance de pouvoir faire une nouvelle vadrouille – de nouveau en voiture, car je faisais un circuit assez compliqué – pour rendre visite à la famille (mon frère en Dordogne, première étape), puis aux vieux amis de Poitiers (Georges et Odile), pour faire un détour jusqu'à Puilboreau près de La Rochelle, voir l'ami S. en convalescence après un infarctus, et terminer enfin par l'arrêt de Saintes, où m'attendait un repas colombien.

En effet, mes jeunes protégés Alejandra et Juan Camilo avaient préparé deux plats de leur pays et avaient aussi invité trois autres personnes de l'association « Chorale humanitaire » qui les a fait venir en France. Nous avions à peine commencé à manger de délicieux petits croissants de farine de maïs, fourrés de purée de pommes de terre et de viande hachée, que s'est joint à nous Edwin, un des trois Colombiens que nous hébergeâmes à Poitiers, Claire et moi, pendant l'année scolaire 2007/2008. Il est resté en France, il a réussi le concours d'entrée au CFMI de Poitiers, a obtenu son diplôme d'université de musicien intervenant, et est donc devenu musicien intervenant dans les écoles. L'adolescent que j'avais connu s'est mué en un jeune homme déjà mûri par l'exil ("l'exil est l'exil. Ici et là-bas. Jamais en vain nous ne fûmes exilés et nos exils ne sont passés en vain", écrivait Mahmoud Darwich dans Au dernier soir sur cette terre). Contents mutuellement de nous revoir.
Diplôme d'université de musicien intervenant
Diplôme d'université de musicien intervenantet est donc devenu musicien intervenant dans les écoles. L'adolescent que j'avais connu s'est mué en un jeune homme déjà mûri par l'exil ("l'exil est l'exil. Ici et là-bas. Jamais en vain nous ne fûmes exilés et nos exils ne sont passés en vain", écrivait Mahmoud Darwich dans Au dernier soir sur cette terre). Contents mutuellement de nous revoir.

Tous trois se sont mis à interrompre le repas par un petit concert : Alejandra à la flûte traversière, Edwin à la guitare et Juan Camilo au cor et aux percussions. Une belle sonate de Carl-Emmanuel Bach a préludé à trois airs colombiens, dont deux chantés par Edwin, les deux autres faisant chœur aux refrains. Magnifique. Puis nous avons continué par une montagne de riz préparée à la colombienne, avec tomate, oignon, blanc de poulet, saucisse et autres ingrédients que je n'ai pas forcément décelés. J'étais sous le charme du concert quasi improvisé (car ils n'avaient pas répété !). La Chorale humanitaire ne pouvant plus les aider, Juan Camilo et Alejandra doivent maintenant venir s'installer à Bordeaux, trouver un logement et un job d'étudiant (garde d'enfants, McDo, etc...) pour continuer leurs études musicales. En attendant de trouver, je les ai invités à « squatter » chez moi. Ce sera plus simple de chercher en étant sur place que de Saintes par internet. Juan Camilo va donc arriver prochainement, Alejandra plus tard, quand elle reviendra d'un stage de musique qu'elle va faire près d'Avignon. Voilà donc du remue-ménage en perspective pour les prochaines semaines.

Juan Camilo, à droite et deux de ses amis de passage à Bordeaux

L'accueil, il n'y a que ça de vrai ; c'est, avec le don, une des seules façons d'élargir notre vie – même si cette dernière reste étriquée et bornée, ne serait-ce que parce que nous sommes mortels... Mais mon amie Léone m'a indiqué un possible chemin : ne pas laisser sur le bord de la route ceux que nous pouvons aider. Elle le fait encore à 93 ans, et j'en serais incapable à 67 !!! Diantre ! Je ne veux pas qu'on dise de moi : "Propriété privée. Privée, oui : d'humanité, de cœur, d'intelligence" (Marie-Sabine Roger, Attention fragiles, tiens, Monique, voilà un roman pour tes élèves de collège, et peut-être un auteur à faire venir, paraît qu'elle habite dans les Cévennes, pas loin de chez toi).
Et, pour couronner ma vadrouille, ce matin, vers Saint-Genis de Saintonge, j'aperçois un auto-stoppeur, espèce devenue rare de nos jours. Je me suis souvenu de mes pérégrinations de jeunesse, tout autant que du fait que Mathieu utilise ce moyen ces temps-ci en Allemagne et en Suède. Je n'allais donc pas laisser passer l'occasion, d'autant que ma voiture était loin d'être pleine. Ce jeune homme en provenance de Vendée, 21 ans, partait vers le Portugal, avec sac à dos, tente, duvet, etc., en solo. Je l'ai amené jusqu'à la sortie sud de Bordeaux en direction de Bayonne (hors autoroute ; j'avais bien fait de rester sur la nationale en sortant de Saintes, j'ai évité les embouteillages, économisé près de 10 € de péage et sans doute dépensé moins d'essence). Nous avons discuté tout du long – paraît que tout le monde (copains, parents) le prend pour un fou de faire une chose pareille... Tout le monde, mais pas moi : mais rassurez-moi, peut-être suis-je fou ?

Et là, dans ces actes, ne trouvé-je pas l'essentiel, l'humain d'abord ? La rencontre inter-générationnelle, le partage, même momentané, d'un instant de vie (aussi important pour lui que pour moi), l'ouverture vers autrui que me mentionnait Léone, et qui nous donne au moins l'illusion d'exister. Quant à ce jeune homme, il fait un vrai voyage, il ne s'est pas enfermé dans sa voiture (il a laissé la sienne en Vendée, jugeant qu'il se lançait ainsi, avec l'auto-stop, dans une aventure), il est parti à la rencontre des hommes, le seul programme de vie qui mérite notre considération.

Aucun commentaire: