vendredi 27 septembre 2013

27 septembre 2013 : prédateurs !



Quand l’œuvre devient publique apparaissent d'autres personnes qui participent à l'invention, l'agrémentent de détails, de nuances, d'une légende. Le premier qui contribue à l'invention est le lecteur : il invente son propre écrivain à partir du livre qu'il lit.

(Carlos Liscano, L'écrivain et l'autre, Belfond, 2009)



Aujourd'hui, je n'écris pas moi-même, mais je vous invite à lire ce communiqué du Syndicat de la Librairie Française (j'ai simplement supprimé les références, tableaux chiffrés et notes de bas de page pour ne pas alourdir ma page, mais tout ce qui est dit est vérifiable).

J'écrivais le 14 juillet dernier : "Allons-nous, sous prétexte de modernité, continuer à soutenir longtemps ce genre de multinationale anonyme, cette sorte de commerce virtuel qui pratique la concurrence déloyale (remise à tout le monde, pas de frais de port), à grand renfort d'exploitation du personnel et d'exemption d'impôts, en étant localisés dans des paradis fiscaux ? Non, non et non."

Battons-nous contre ce e-commerce qui est en train de détruire notre société ! Voulons-nous un monde de concurrence déloyale, de chômeurs ou d'exploitation éhontée d'une main-d’œuvre à bon marché ? Voulons-nous favoriser l'évasion fiscale, nous qui payons des impôts ? Cessons donc cette facilité d'achats inconsidérés sur le net ! 


Contre le « dumping » d’Amazon, défendons une concurrence juste entre les ventes en ligne et les ventes en magasin


En cumulant la gratuité des frais de port, sans minimum d’achat, pour l’achat des livres sur son site, et un rabais systématique de 5%, Amazon finance, grâce à l’évasion fiscale qu’il pratique à grande échelle, une politique de «dumping» visant à étrangler ses concurrents, à contourner le prix unique du livre et à bâtir un monopole qui lui permettra dans quelques années d’imposer ses conditions aux éditeurs et de relever ses prix.
Face à cette concurrence déloyale, les libraires soutiennent les positions exprimées par la ministre de la Culture et de la Communication et de nombreux députés de la majorité comme de l’opposition afin de rééquilibrer la concurrence entre la vente en ligne et la vente physique de livres. Ils souhaitent qu’une mesure encadrant la facturation des frais de port sur Internet soit rapidement adoptée par le Parlement.

1/ offrir les frais de port, c’est vendre à perte
pour tuer la concurrence et détenir un monopole des ventes

En 2012, les frais de port ont représenté pour Amazon, au niveau international et pour l’ensemble des produits un coût de 5,1 milliards de dollars. Sur ce coût global, les frais de port refacturés aux clients n’ont représenté que 2,3 milliards de dollars, soit une perte de plus de 2,8 milliards de dollars. Les projections pour 2013 laissent supposer que cette perte dépassera les 3 milliards de dollars. Quand l’on sait que le résultat global dégagé par Amazon était négatif en 2012 (- 39 millions de dollars), on mesure combien la gratuité des frais de port correspond à une stratégie de «dumping» qui s’appuie sur les économies réalisées grâce à l’évasion fiscale, d’une part, et sur une capitalisation boursière sans égale, d’autre part. C’est une position de domination absolue sur le marché de la distribution que recherche Amazon à travers cette stratégie. Cette stratégie a déjà fait des victimes : la chaîne Borders aux Etats-Unis, Virgin en France.
À l’exception de Fnac.com, challenger d’Amazon en France, aucun libraire ni aucune chaîne ne pratique la gratuité des frais de port dès le 1er euro, tout simplement parce que cette pratique est financièrement intenable économiquement.
Le « dumping » d’Amazon est aggravé par le cumul de la gratuité des frais de port sans minimum d’achat et du rabais de 5% sur le prix des livres que même la FNAC a supprimé dans ses magasins tant son coût était rédhibitoire.

2/ Amazon finance ses pertes grâce à l’évasion fiscale, c’est-à-dire sur le dos 
des contribuables français

En France, Amazon est sous le coup d’un redressement fiscal de 200 millions d’euros concernant la période 2006-2010, la quasi-totalité de son chiffre d’affaires réalisé dans notre pays étant déclaré au Luxembourg. En intégrant les années 2011, 2012 et 2013, l’impact financier de l’évasion fiscale mise en place par Amazon est estimé à près d’un demi-milliard d’euros. Amazon est également sous le coup de procédures fiscales au Japon, aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Chine et même au Luxembourg.
Au final, ce sont les contribuables de France et d’ailleurs qui financent la gratuité des frais de port. Ce que les clients d’Amazon gagnent en frais de port, ils le perdent en impôts !

3/ gratuité des frais de port pour le livre mais pas pour les autres produits ou pas dans les autres pays, cherchez l’erreur…

En France, Amazon réserve au livre, ainsi qu’aux chaussures et aux vêtements, la gratuité des frais de port sans minimum d’achat. Pour les centaines d’autres catégories de produits, la gratuité n’est offerte qu’à partir de 15 € d’achat ou en contrepartie d’un forfait annuel de 49 €.
Au niveau international et à l’exception du Royaume-Uni, Amazon n’offre les frais de port sans minimum d’achat que dans les pays dans lesquels s’applique un prix unique du livre (France, Allemagne, Autriche, Espagne, Pays-Bas, Japon…). Dans des pays sans prix unique du livre (États-Unis, Canada, Suède, Finlande, Australie…), les frais de port pour les commandes de livres sont payants jusqu’à un certain montant d’achat (25$ aux États-Unis). Ces pratiques attestent que la gratuité des frais de port, telle que pratiquée par Amazon en France, vise bien à contourner le prix unique du livre en offrant un rabais supérieur aux 5% autorisés par la loi.

4/ Amazon ne crée pas d’emplois, il en détruit

Amazon dispose aujourd’hui de quatre plateformes logistiques en France et prétend, à grand renfort de communication, créer des milliers d’emplois. En réalité, ce sont uniquement quelques centaines d’emplois permanents de manutentionnaires qui ont été créés, les autres recrutements correspondant à des intérimaires embauchés lors du pic d’activité de la fin de l’année. Les conditions sociales au sein de ces entrepôts sont de plus en plus dénoncées par les salariés, d’où plusieurs grèves récentes en Allemagne et en France. Le livre En Amazonie, infiltré dans le meilleur des mondes (par Jean-Baptiste Malet, Fayard 2013) confirme le caractère précaire et dégradant des conditions de travail imposées par Amazon à son personnel.
En comparaison, la vente de livres dans les commerces physiques génère en France plus de 20 000 emplois qualifiés dont 14 000 dans les seules librairies indépendantes. À proportions égales, la librairie indépendante génère 18 fois plus d’emplois que la vente en ligne ! En captant à son profit, par des pratiques déloyales, la vente de livres sur Internet, seul le circuit de diffusion du livre en expansion aujourd’hui, Amazon détruit des emplois dans les librairies physiques et fragilise des entreprises qui contribuent à la richesse de la création éditoriale ainsi qu’à la vie culturelle et économique locale.
5/ les librairies indépendantes et Internet

Plus de 500 librairies françaises ont investi pour offrir à leurs clients la possibilité d’acheter et/ou de réserver leurs livres sur Internet en complément des achats en magasin. Certains libraires ont développé leur propre site (Mollat, Ombres blanches, Sauramps, Gibert Joseph, Dialogues, Procure…), d’autres s’appuient sur des plates-formes collectives (Leslibraires.fr, Placedeslibraires.fr, Lalibrairie.com, Librest.com…) ou sur leur réseau de librairies (Chapitre.com, Decitre.fr, Gibertjoseph.com…). Si les librairies ne disposent pas des capacités logistiques et financières suffisantes pour rivaliser avec Amazon, cette présence sur Internet leur permet d’offrir un service supplémentaire à leurs clients. Cette activité peut en outre représenter jusqu’à 6% du chiffre d’affaires des librairies, ce qui leur permet de compenser l’érosion de leurs ventes en magasin ou aux collectivités.
Néanmoins, les pratiques prédatrices d’Amazon freinent considérablement le développement de la vente en ligne dans les librairies et les chaînes de librairies. Les librairies étant parmi les commerces de détail les moins rentables, elles ne peuvent rivaliser avec les pratiques de dumping d’Amazon. A titre d’exemple, les frais de port représentent entre 15 % et 18 % du chiffre d’affaires réalisé sur Internet par les libraires indépendants alors même que ceux-ci n’offrent la gratuité des frais de port qu’à partir d’un montant minimal d’achat (de 25 à 35 € en règle générale). En cumulant ces coûts avec le rabais de 5%, c’est donc près d’un quart de la marge du libraire qui est amputée, ce qui est insupportable lorsque l’on sait que le résultat net moyen des librairies est aujourd’hui inférieur à 1%. 

(Source : Syndicat de la librairie française)
 

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