samedi 7 décembre 2013

7 décembre 2013 : pour célébrer Odile Caradec



Marcher sur l'eau n'est certes pas facile
mais escalader des épis
qui brillent au soleil
c'est encore autre chose.
Or, pour y parvenir,
il suffit de promener le regard
et feindre d'être vent
ou papillon.
(Harry Martinson, Le livre des cent poèmes, Cénomane, 2013)

Sous le magnifique titre Résidence terre, Odile Caradec vient de publier, aux éditions Odile Verlag, une anthologie très personnelle, en édition bilingue français-allemand. Eh oui, mon amie Odile est plus connue en Allemagne qu'en France, c'est le paradoxe de la poésie et des poètes, que personne ne lit en France.

 
 Odile Caradec (Photo Lise Beaubeau)
Je vous livre un florilège de quelques-uns des poèmes de ce recueil, vraiment passionnant, concret, charnu, vif, pétillant...


Ne rien rater par soleil rayonnant
se fondre dans la splendeur de l’herbe
dans la terre qui vibre et flamboie
Être un humain complet
Réservoir d’oxygène
pour tout le sang du monde

Je vais passer ce jour en compagnie d’une fleur
d’hibiscus

Inaudible le bruit du sang dans une assemblée
d’hommes

* * *
Ô LUNE
On m’a permis de m’appeler Odile
de commencer mon nom par un grand O
vide

Qu’aurais-je mis dedans sinon des cerceaux
et des ronds de chapeau?

On m’a vue faisant partout des ronds dans l’eau
Ce n’était pas photogénique

Je retrouve tout dret les boniments
où l’on parle de soi en versification prolunaire
et s’endormant quasi
entre les branches débonnaires
des grands matous que sont les arbres cervicaux

Avec le gros derrière de la lune
On fait des voiles nuptiaux
Tant pis si tout cela pète
Sur la mer des tempêtes

* * *
LE MAGNIFIQUE

J‘ai traversé la rade de Brest avec Saint-Pol Roux1
Cape et chapeau magnifiaient l’Atlantique
Je n’étais qu’une petite fille sans cervelle
ne savais de la poésie qu’un ou deux noms

Nous avons pris le car du Fret à Camaret
mais ne me souviens pas s’il m’a parlé

L’essentiel c’est le manteau noir
de ma mémoire
* * *
Je voudrais voir des quantités de gros poèmes

bouger comme des lustres

Un poème fait de cette sorte

n'a rien d'un encensoir

il ressemblerait plutôt

à une épée de feu

Et moi qui ai mal aux articulations

à force de me rouler

dans l'herbe humide

j'ai besoin d'un poème acupuncteur


 
1 Saint-Pol-Roux, poète breton (1861-1940).

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