dimanche 19 janvier 2014

19 janvier 2014 : Nelson Mandela, le film


On coupe les ponts, et tout simplement on avance. On se voit appelé, et il faut sortir de l'existence qu'on a menée jusqu'alors, il faut « exister » au sens le plus strict du terme.
(Dietrich Bonhoeffer, Le prix de la grâce, Seuil, 1971)

"J’ai toujours su qu’au plus profond du cœur de l’homme résidaient la miséricorde et la générosité. Personne ne naît en haïssant une autre personne à cause de la couleur de sa peau, ou de son passé, ou de sa religion. Les gens doivent apprendre à haïr, et s’ils peuvent apprendre à haïr, on peut leur enseigner aussi à aimer, car l’amour naît plus naturellement dans le cœur de l’homme que son contraire." Telles sont les dernières paroles de ce film formidable, Mandela, Un long chemin vers la liberté, vraisemblablement extraites du livre dont il est tiré, l'autobiographie Un long chemin vers la liberté. Et signe de la qualité du film, ce livre que je n'ai pas lu (je me méfie des mémoires des hommes politiques et de leur tendance à enjoliver leur parcours), j'ai désormais envie de le lire.

Mandela : Un long chemin vers la liberté
Mandela est sans doute à la fois un monstre sacré, une sorte de mythe et un symbole du combat de la non-violence pour l'équité et la liberté, celle portée par Gandhi ou Martin Luther King, un idéal humain en somme, et possible, bien que Gandhi et King aient été assassinés et Mandela longtemps emprisonné. Croire que par la force des convictions, l’obstination de quelques militants pourrait changer un monde inique, c'était loin d'être gagné, même si le jeune avocat Mandela, de par sa connaissance du droit et ses qualités d'orateur, était à même de défendre ses concitoyens noirs et de porter un projet. Je n'ai pas encore vu le film sur Gandhi (que je possède en dvd), mais j'imagine qu'il est aussi puissant que celui-ci, à hauteur de l'homme dont la vie est racontée. Une réussite de biopic, par l'intelligence du scénario, la vivacité de la mise en scène et aussi par ses qualités pédagogiques (les collégiens et lycéens, à partir de douze ou treize ans devraient voir ce film). 
Le récit n'édulcore rien et n’occulte pas les difficultés de la lutte promue par l'ANC, non-violente au début, puis devant le durcissement des lois répressives et les massacres commis par la police et par l'armée dans les townships, devenant lutte armée. Mandela, jeune marié, doit prendre le maquis, avant d'être arrêté avec sept de ses compagnons, tous noirs, sauf Kathy, un Indien (coolie) : car l'apartheid ne concernait pas que les noirs mais aussi les autres coloured people. On les enferme au pénitencier de haute sécurité de l'île de Robben Island. Il y portera le matricule 466/64 (466ème prisonnier arrivé en 1964). Les années de prison sont d'une cruauté extrême (humiliations permanentes, les prisonniers doivent casser des cailloux, entendre à longueur de journée des "grouille-toi, négro", rester la nuit nus sous la pluie, leur correspondance est non seulement ouverte mais largement découpée et mutilée), mais les détenus sont très unis et parviennent à mener des actions de revendications (avoir un pantalon long au lieu d'un simple short, par exemple) ; seul un gardien un peu plus humain est capable de comprendre l'imbécillité criminelle de ce régime et adoucit un peu les angles. Pendant son absence, Winnie Mandela, son épouse, harcelée par la police et maintes fois emprisonnée, devient une égérie de la lutte anti-apartheid, dont elle radicalise le discours, en prônant l’action violente envers les blancs et leurs collaborateurs noirs qualifiés de traîtres : le film ne cache rien de ça. La phase finale, marquée par l'isolement grandissant de l'Afrique du sud sur le plan international, les négociations difficiles avec le président De Klerk, la violence quasi insurrectionnelle qui précède les premières élections libres (un homme = une voix), montre le talent charismatique de Mandela (fort bien rendu par l'acteur Idris Elba), dont le mental n'a jamais craqué.
J'ai été évidemment, au moment où je vais retourner en prison mercredi prochain, très marqué par la violence inhérente au système carcéral : gardiens obtus, gradés implacables, racisme à la puissance ², toutes choses qui se retrouvent dans toutes les prisons du monde, et particulièrement pour les prisonniers politiques. Ces derniers sont nombreux, même dans nos soi-disant démocraties expertes dans l'art savant de faire taire les récalcitrants. Je préfère ne citer personne ni aucun pays (mais la France n'est pas à l'abri) pour ne pas me faire des ennemis supplémentaires, après les commentaires acerbes que j'ai reçus lors des blogs d'avril de soutien au mariage pour tous, d'octobre de soutien à Mme Taubira et de janvier pour n'avoir pas voulu crier "haro sur le baudet" au sujet d'un certain humoriste. Fort heureusement, j'ai reçu quelques supports aussi. Ouf !
J'ai compris la leçon, je ne parlerai plus que du ciel bleu, des petites fleurs, des bluettes littéraires et des petits oiseaux...

Aucun commentaire: