samedi 15 mars 2014

15 mars 2014 : souvenirs, souvenirs


C'est tarte, les souvenirs, ce sont des bandelettes, ils vous momifient.
(Violette Leduc, La femme au petit renard, Gallimard, 1965)


À peine rentré à Bordeaux, le soleil a disparu, ce qui n'empêche pas un pic de pollution terrible : transports en commun gratuits jusqu'à demain inclus ! Je vais donc en profiter pour aller en ville en tram, gratuité dont j'ai déjà pu bénéficier hier en revenant de la gare. Finalement, j'ai préféré reprendre le vélo, prévoyant que, comme hier, le tram serait surchargé.
Quel petit bilan de ces six jours de Pézenas ? C'est vraiment un festival sympa ; pas de prix à distribuer, mais quelques thématiques. La principale cette année était le Mexique, avec des cinéastes du patrimoine (Buñuel, Emilio Fernández, le russe S. M. Eisenstein et son extraordinaire film inachevé, Que viva Mexico !, que je n'avais jamais vu), mais aussi des contemporains : Carlos Reygadas (nous avons vu, de cet esthète, ensemble Bataille dans le ciel, Mathieu seul Lumière silencieuse) ; Carlos carrera (Le crime du père Amaro, d'après un célèbre roman portugais) ; Nicolás Echevarría (Cabeza de Vaca, qui se passe au moment de l'invasion par les conquistadors) ; José Luis Valle (Workers, qui décrit la vengeance froide des exploités) ; Pedro Gonzales-Rubio (Alamar, très bel apprivoisement d'un jeune garçon de sept ans avec son père et son grand-père) ; Rodrigo Plá (La zona, terrifiante description des résidences ultra sécurisées, où les riches se croient à l'abri des pauvres, mais vivent enfermés et crèvent de peur) ; Claudia Sainte-Luce (Les drôles de poissons-chats, qui sortira bientôt, et que je recommande vivement : un film sur le deuil et l'adoption de toute beauté et d'une grande humanité), Michel Franco (Daniel et Ana, qui traite directement de la violence et de la sexualité contrainte). Le cinéma mexicain est éblouissant, d'une très riche description des tares de la société (violence, machisme, empreintes de la religion, séparation des classes sociales), et d'une qualité visuelle étonnante. Apparemment, ils ont des écoles de cinéma qui forment tous les cinéastes d'Amérique latine...
Les autres films étaient tout aussi intéressants, nous avons vu Violette, ce qui nous a donné envie de lire Violette Leduc : chose faite avec le seul de ses livres trouvé sur place, La femme au petit renard. Quant au film pakistanais Noor, qui sortira bientôt, il est stupéfiant à tous points de vue : c'est l'histoire d'un eunuque (Khusra) élevé pour être un transgenre efféminé, et qui voudrait bien devenir un homme et trouver une femme qui l'acceptera tel qu'il est. J'ignorais qu'on fabriquait encore des castrats dans le monde d'aujourd'hui (comme chez nous en Italie du XVIe au XVIIIe siècle). Un film très humain aussi. Il y avait aussi les documentaires de Christian Rouaud et ceux de Régis Sauder, mais il fallait faire des choix et j'ai préféré assurer sur le Mexique.

le buste de Molière, dans le théâtre

Pézenas (Pagnol disait : « si Jean-Baptiste Poquelin est né à Paris, Molière est né à Pézenas ») garde les traces de son prestigieux passé : plusieurs musées, beaux hôtels particuliers, et un magnifique théâtre, restauré dans l'ancienne chapelle des Pénitents noirs, qui était une des deux salles de projection. On y a joué avant guerre des opéras et opérettes. J'ai même rencontré une vieille dame dont le père était concierge du théâtre et qui a participé à La Bohème de Puccini (qu'elle connaissait par cœur), les chanteurs locaux complétant, pour les petits rôles, les artistes venus de Paris ou de Monte Carlo. À près de quatre-vingt-dix ans, elle possédait encore un beau filet de voix, soprano.
Je reviendrai à Pézenas... si je ne suis pas momifié par mes souvenirs !

 
Une des peintures mexicaines, sur papier d'amate, exposée à la Médiathèque

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