lundi 31 mars 2014

31 mars 2014 : Les Misérables, version 2014


ces médecins, du haut de leur hauteur, de temps en temps, ils peuvent être légers.
(Fédor Dostoïevski, La douce, trad. André Markowicz, Actes sud, 1992)


La misère est à nos portes. Il suffit de regarder autour de soi. Est-ce normal que des gens soient à la rue ? Que les loyers – qui ont beaucoup plus augmenté que le niveau de vie, parce que les propriétaires-bailleurs font dans l'investissement – soient devenus inabordables pour trop de nos concitoyens ! On oublie qu'il n'y a pas 3 millions de chômeurs, mais presque 6 millions, si l'on tient compte de tous ceux qui n'ont que des emplois précaires, nettement rémunérés en-dessous du SMIC, et donc dans l'incapacité d'assumer des charges locatives inabordables... Car, excusez-moi, mais il faut bien manger d'abord, non ?
Et cependant, ça peut être encore pire ailleurs ! Ainsi, le film serbe La femme du ferrailleur nous raconte l'histoire de cette famille – le père, la mère enceinte, deux filles déjà – très pauvre, mais qui a un toit. Voilà que la grossesse se passe mal, la mère perd du sang. Le père l'emmène à l'hôpital : le bébé est mort dans son ventre, il faut aller à la clinique pour faire un curetage et éviter une septicémie. Ils y vont une fois, 980 marks sont réclamés pour l'intervention ; or, ils ne sont pas assurés contre la maladie. Le père gagne avec son métier de ferrailleur dans les bons jours 50 à 100 marks. Le plus souvent, rien. Ils n'ont pas la moindre avance. On leur coupe même l'électricité. J'entends déjà ricaner les « bourgeois » (comment les appeler autrement ?) rétorquer qu'ils n'ont qu'a économiser ! Je voudrais les y voir, eux, les nantis, vivre dans la misère, et réussir à économiser. Dire aussi : « Mais pourquoi font-ils donc tant d'enfants ? » Bien sûr, ils ignorent que, dans la grande pauvreté, la contraception, on ne connaît pas, surtout dans un pays récemment "libéré" du communisme et engagé dans le libéralisme à tout-va, où la santé – et la pilule – a un coût.
Le médecin rétorque, « j'ai des instructions, sans paiement, pas d'intervention. Je ne peux pas. » Chapeau pour l'humanité ! Ce n'est pas que tu ne peux pas, mon salaud, c'est que tu ne veux pas, nuance ! Bravo, les médecins ! Dostoïevski disait que « du haut de leur hauteur », ils pouvaient être légers : dans ce cas, la légèreté dont ils font preuve les rend inhumains et criminels. Deuxième visite : idem. Il faudra la solidarité des gens de peu, et je n'en dis pas plus, pour que la mère puisse être soignée. Voilà un film que le Hugo des Misérables aurait aimé.
* * *
Je veux bien croire que quatre-vingts ans de communisme ont déconsidéré l'idée même du communisme. Si j'en juge par les magouilles des élections en France, on peut dire que deux ans de hollandisme ont définitivement ruiné l'idée même de socialisme. Et ces malheureux ne se rendent même pas compte qu'ils coupent l'herbe sous leurs pieds ! Les misérables ne sont pas seulement au bas de l'échelle, au sommet aussi, hélas, en autre sens du mot ! Jaurès, réveille-les !!!

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