lundi 21 avril 2014

21 avril 2014 : "Christ est ressuscité" ?


dans les faits, le désengagement social de l'état ne peut exister que parce que le filet protecteur de soins se reconstitue à partir des économies informelles des familles, des proches, des bénévoles. Ces structures révèlent, envers et contre tout, une logique de don à côté de la logique marchande.
(Guillaume Le Blanc, Que faire de notre vulnérabilité ?, Bayard, 2011)


Dans l'évangile de Marc, au chapitre 16, nous lisons :
"Lorsque le sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques, et Salomé, achetèrent des aromates, afin d'aller embaumer Jésus. Le premier jour de la semaine, elles se rendirent au sépulcre, de grand matin, comme le soleil venait de se lever. Elles disaient entre elles : Qui nous roulera la pierre loin de l'entrée du sépulcre ? Et, levant les yeux, elles aperçurent que la pierre, qui était très grande, avait été roulée. Elles entrèrent dans le sépulcre, virent un jeune homme assis à droite vêtu d'une robe blanche, et elles furent épouvantées. Il leur dit : – Ne vous épouvantez pas ; vous cherchez Jésus de Nazareth, qui a été crucifié ; il est ressuscité, il n'est point ici ; voici le lieu où on l'avait mis. Mais allez dire à ses disciples et à Pierre qu'il vous précède en Galilée : c'est là que vous le verrez, comme il vous l'a dit."
Pâques m'a toujours fasciné. La disparition du bruit des cloches de l'église du village, du vendredi jusqu'au lundi matin, jour de la résurrection, par exemple. Ça n'a l'air de rien, mais ça bouleverse un peu, ce silence soudain. Mon frère cadet Bernard, qui dormait avec ma grand-mère, ne pouvait plus la réveiller à l'aurore en lui disant : « Mamie, l'Angélus sonne, lève-toi ! » Et puis, tout de même, c'est dur pour des enfants, le récit de cette horrible mort par crucifixion, les pieds et les mains cloués, la lance dans le côté, et ce cri : "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?" Enfin, trois jours plus tard, les cloches qui sonnent de nouveau, et cette exclamation émouvante de la foi naïve et un peu fruste de ma grand-mère : « Christ est ressuscité ! »
Je me souviens de mon émotion, bien plus tard, quand vers seize ans, j'ai lu Le Christ recrucifié (encore une de mes prochaines relectures, car chaque année, je relis quatre ou cinq des grands livres de ma jeunesse), le magnifique roman de Nikos Kazantzakis, et découvert que ce jour-là, précisément, les Grecs orthodoxes se saluent dans les rues, en s'embrassant et en proclamant, justement : « Christ est ressuscité ! » Cri de joie, bien entendu. Et qui contrastait singulièrement avec l'air compassé et tristounet des gens que j'apercevais sur le chemin des offices religieux dans mon village. Peut-être faut-il, effectivement, une foi primitive et grossière en même temps qu'ardente, pour faire montre de cette joie qui est pourtant un don (de Dieu ?).
La logique du don, qui s'oppose à la logique marchande, et qui fait que le monde continue malgré tout à tourner (selon Guillaume Le Blanc, voir l'épigraphe ci-dessus), ne peut exister que dans cette joie simple, spontanée, naïve, innocente, sans calcul... D'aucuns traiteront le don de niaiserie, de bêtise, moi, j'y vois le raffinement suprême. Car nul n'oblige au don : rappelons-nous l'extraordinaire dernière scène des Raisins de la colère (le roman, pas le film), où Rose de Saron, qui vient de perdre son bébé, donne le sein à un vieillard mourant de faim, dans une atmosphère d'apocalypse. C'est bien dans ces moments-là (grandes épreuves, maladie, approche de la mort) que l'on se dépasse soi-même, à l'image de Jésus donnant sa vie, alors que nul ne l'y obligeait.
Aujourd'hui, jour de la Résurrection, c'est le croyant (quelque peu incroyant pourtant) qui vous livre sa méditation...

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