jeudi 23 octobre 2014

23 octobre 2014 : L'ère du peuple ?


Depuis un siècle, en France, aucun reniement à gauche n’égale celui de François Hollande en deux ans et demi.  
(Jean-Luc Mélenchon, L'ère du peuple, Fayard, 2014)


« La gauche peut mourir », nous annonce l'ineffable Manuel Valls, qui se charge de la faire crever avec une constance incroyable, et avec rapidité : à mon avis, elle n'existera plus après le quinquennat Hollande, comme elle n'existe plus en Angleterre, après les années blairistes. Comme nous l'indique Jean-Luc Mélenchon dans son bel essai L'ère du peuple, qui vient de paraître, "je suis sidéré : je n'aurais jamais cru qu'il [Hollande] trahirait ses électeurs aussi vite, aussi grossièrement, aussi totalement". Il est vrai que je ne suis pas aussi naïf que d'aucuns le prétendent, et je n'attendais pas grand-chose de cet énarque. Résultat, il est de plus en plus difficile de "faire la différence entre notre idéal [celui de la gauche, si le mot a un sens] et la supercherie qui gouverne en son nom" aujourd'hui, et de plus en plus de gens disent : « gauche et droite, c'est pareil ! »

 
Jean-Luc Mélenchon, en quelques chapitres sobres et éclairants, nous rend compte de la difficulté qu'il y aura à sortir du marasme qui nous attend, attisé par "l'infinie cupidité des puissants, la perversité de l'égoïsme édicté en norme suprême dans tous les domaines, la folie du fanatisme religieux qui dilapide l'énergie de masses immenses", par ce qui est devenu notre nouvelle norme en matière de politique étrangère, "la servile allégeance aux États-Unis d'Amérique et à leur dangereuse politique impériale", par l'oubli de la « dette écologique » qui, d'année en année nous fait consommer de plus en plus tôt ce que la planète est en état de reconstituer. Il nous rappelle que non, nous n'avons pas les mêmes valeurs que les USA : pratique de la torture (Guantanamo), prisons secrètes (en Pologne, et ailleurs), peine de mort, refus de signer la Convention d'interdiction des mines anti-personnel, de ratifier la Convention sur la Cour pénale internationale, la Convention internationale des droits de l'enfant, celle concernant l'utilisation des armes bactériologiques, celle de l'ONU sur la biodiversité, le Protocole de Tokyo de lutte contre l'effet de serre, etc.
L'auteur nous rappelle que l'enjeu d'aujourd'hui est de "relever le défi du cataclysme qui s'avance sur la civilisation humaine", et que ce défi majeur est écologique. Il attend donc un sursaut du "peuple, c'est-à-dire [de la] multitude quand elle devient citoyenne". Beau programme, mais qui me semble difficile à mettre en route, car ça supposerait que notre humanité soit capable "de s'arracher à l'envoûtement des injonctions publicitaires et du harcèlement idéologique, qui lui fait aimer la main qui la frappe et adhérer avec enthousiasme à un mode de vie absurde fait de besoins insatiables". On a donc du pain sur la planche : mettre en œuvre une politique de l'intérêt général, au lieu de celle qui consiste comme aujourd'hui à appliquer les consignes de l'oligarchie financière ; sortir de notre système de productivisme outrancier et de l'idéologie consumériste qui le sous-tend ; repenser l'utilité sociale de la production, des manières de consommer ; réorganiser l'économie en fonction des besoins réels ; prendre en compte de manière pérenne le défi écologique (ne pas consommer plus que ce que la planète peut reconstituer), etc...
Faute de quoi le capitalisme, comme toujours, avec son avidité insatiable de profits, nous poussera tous à en sortir par la guerre généralisée, qui se profile déjà largement à l'horizon dans plusieurs parties du monde. Mélenchon en appelle donc à la révolution citoyenne et à un sursaut du « peuple », tel qu'il l'a défini. Le seul hic, c'est peut-être que c'est un peuple introuvable. Son livre fera peut-être réfléchir quelques-uns : mais y a-t-il encore des lecteurs pour autre chose que les gaudrioles de Mme Trierweiler ? Il m'a fallu chez Mollat demander à un employé du rayon « politique » s'ils avaient L'ère du peuple, que je ne trouvais pas : il était bien caché derrière des tas de piles de livres d'un intérêt douteux, mais sans doute plus vendables...

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