mardi 4 novembre 2014

4 novembre 2014 : Cinéméd 2014 Montpellier


je n'ai pas encore bien compris si c'est nous qui traversons le temps ou si c'est le temps qui nous traverse. C'est-à-dire : si c'est nous qui passons tandis que le temps demeure immobile, ou bien si c'est le temps qui passe tandis que nous sommes immobiles.

(Antonio Tabucchi, Autobiographies d'autrui, trad. Lise Chapuis, Bernard Comment, Seuil, 2002)




Je reviens de Montpellier, où j'ai participé à un Festival Cinéméd exceptionnel. Pratiquement, tous les les films vus étaient de bonne facture, quelques-uns excellents, trois au moins des chefs-d’œuvre, mot que je ne galvaude pas en principe.




En premier lieu, deux « classiques » du cinéma, que je n'avais jamais vus : La cité des femmes de Fellini, comédie féministe déjantée (et macho aussi) qui reste largement d'actualité, et Le bourreau de Berlanga, comédie noire sur la peine de mort et qui en démontre l'inanité par l'absurde : la force du film est telle que Berlanga fut interdit de cinéma pendant dix ans par le régime franquiste !

Ensuite, la perle du Festival, qui a raflé tous les prix, celui du jury, celui de la critique et celui du public (ce genre d'unanimité me paraît souvent suspect, mais là, je m'incline), et qui sortira en salle le 24 décembre, comme un merveilleux cadeau de Noël : La terre éphémère, du Géorgien George Ovashvili. Ça se passe sur le fleuve Inguri, qui forme la frontière entre la Géorgie et l'Abkhazie. Au printemps, les alluvions se condensent pour former des îles éphémères qui durent tout l'été et sont ensuite emportées par les pluies d'automne. Mais les paysans tentent de s'y implanter momentanément pour y cultiver du maïs. On suit donc un vieux paysan qui vient repérer les lieux, puis apporter ses outils et de quoi construire une cabane (voilà qui plairait à mon ami berger de l'Ardèche), avant de planter du maïs, avec l'aide de sa petite fille, une adolescente de quatorze ans qu'il élève. Sur le fleuve, passent de temps en temps en temps des gardes-frontières géorgiens ou des soldats russes, ou un fugitif blessé, car le conflit avec l'Abkhazie est toujours là. On suit donc les deux personnages principaux dans ces jours et ces semaines rythmés par les travaux des champs, la consolidation de l'île, les rares conversations (car ce sont des taiseux). Les paysages sont magnifiques, il n'y a pas une image de trop, les gestes, les visages, la nature, tout est admirablement observé. On est époustouflé devant la beauté, comme toujours. Espérons que ce sera un succès, et on peut y emmener les enfants, à partir de dix ans, car eux aussi (eux surtout) ont besoin de cette beauté pour se former esthétiquement. J'irai le revoir à sa sortie, il entre déjà dans mon panthéon personnel !

Mais j'ai découvert aussi le cinéaste italien Antonio Pietrangeli, dont on passait une rétrospective, avec notamment un superbe Cocu magnifique, avec Ugo Tognazzi. Et puis, il y avait, comme toujours, des films de tout le pourtour méditerranéen : un beau documentaire français sur la Bosnie (Karmen – Les pierres, de Florence Lazar), une flopée de films grecs dont je reparlerai quand ils sortiront (mais parmi lesquels l'inénarrable parodie de science-fiction L'Attaque de la moussaka géante, on était mort de rire), deux très bons films marocains (Adios Carmen et Le veau d'or), une ribambelle de films venant d'Espagne, d'Algérie, de Tunisie, de Turquie, d'Israël et de Palestine, de Syrie, du Portugal, etc.

Outre ma famille, cousins, sœur, beau-frère et nièce, j'ai fait aussi de très belles rencontres, dont Robin des rues (voir sur le site http://www.hautcourant.com/Le-Robin-des-Rues,1697), avec qui j'ai longuement discuté, et un handicapé sur fauteuil roulant électrique à qui j'ai apporté mon secours pour qu'il puisse sortir de l'argent d'un distributeur, sur sa demande, car m'a-t-il expliqué, « je peux insérer la carte, mais je ne peux pas appuyer sur les touches trop hautes de RETRAIT ni du montant, je peux seulement taper mon code, et je ne peux pas retirer ma carte, c'est trop dur ». Il a donc inséré sa carte, j'ai appuyé sur RETRAIT, il a tapé son code, j'ai appuyé sur la touche 20 €, puis j'ai retiré la carte. Pareillement, on a longuement conversé ensuite... Il partait à Sète en train pour participer à des compétitions handi-sport. Il m'a confié la galère que c'était avec le nombre de lieux publics inaccessibles aux fauteuils roulants sans aide extérieure... Pourtant la loi prévoyait que tous devaient l'être en 2015. Selon lui, la date va être repoussée aux calendes grecques. 
Le temps serait-il immobile ?


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