vendredi 9 janvier 2015

9 janvier 2015 : assassins !

le privilège un peu galvaudé d'une belle mort.
(Marguerite Yourcenar, Le coup de grâce, Gallimard, 1939)


En attendant l'arrivée du cargo Matisse, prévue demain seulement au Havre, et où j'embarquerai en fin d'après-midi, vraisemblablement, pour un  premier dîner à bord, j'écoute et je lis avec beaucoup d'intérêt les nombreux commentaires sur l'assassinat dans les locaux de Charlie hebdo. Attentat dont je n'ai pas été surpris, tant Charlie a continué de provoquer avec son outrance habituelle, sans que personne ne le mette en garde !

Je veux bien croire que le rire soit libérateur. Mais il y a belle lurette que Charlie ne faisait plus rire grand monde, et leurs outrances de dessins de couverture, de plus en plus bêtes et méchants, d'une laideur de plus en plus agressive, d'une grossièreté extraordinairement vulgaire, d'une volonté de choquer évidente, leur ont valu toute une flopée d'ennemis, parmi les intégristes et fanatiques de tous bord. Ils avaient oublié que certains de ces ennemis sont encore plus bêtes, méchants et agressifs qu'eux, et de plus, ont la volonté de tuer.

Ce qui m'étonne dans l'affaire, c'est que le gouvernement ne les ait pas mis en garde et davantage protégés. Car l'attentat était absolument prévisible. Pas besoin d'être prophète pour le prévoir. De là à penser qu'on ne l'a pas anticipé, en haut lieu, voire qu'on s'est laissé piéger (et qui sait, volontairement), je ne suis sans doute pas seul à le penser. 

Quant aux tartuffes de tout poil qui s'indignent aujourd'hui (le pompon est dans ce gros titre du Figaro : la liberté assassinée, ce qui n'est pas mal pour un journal qui vilipende tous les jours la liberté de penser autrement qu'eux, et qui détestait Charlie hebdo), on ne les a pas beaucoup entendus au moment où les Russes massacraient les Tchétchènes il y a une quinzaine d'années, ni quand les enfants et vieillards de Gaza étaient bombardés à outrance il y a peu.

Enfin, n'oublions pas qu'avec la politique occidentale désastreuse au Proche et Moyen Orient (guerre en Afghanistan, en Irak, en Libye), nous avons ouvert une boite de Pandore, probablement destinée à écouler nos stocks d'armes et à consolider l'économie du grand capital, qui a toujours besoin de la guerre pour s'en sortir,  boite de Pandore dont on mesure encore mal les effets.

C'est bien beau de vouloir imposer par la force notre soi-disant démocratie (sur laquelle il y aurait beaucoup à dire, quand on voit les gouvernants qu'elle se donne, et ceux avec qui ces derniers collaborent, Emirats, Arabie saoudite, etc.), mais on a oublié ce qu'écrivait au XIXe siècle Gustave Aimard, bon romancier populaire, dans Le Grand Chef des Aucas, que je suis en train de lire sur ma liseuse : "on ne peut avec des esclaves improviser des citoyens. La servitude étiole le moral, avilit l'âme, dégrade le cœur".

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