Rester
aigu coûte que coûte. Rester en pointe. Ne pas s'arrondir.
(Jean
Cocteau, Secrets de beauté,
Gallimard, 2013)
Je
ne suis pas un grand visiteur de musées. Je le déplore, mais c'est
ainsi. Manque d'habitude d'enfance sans doute : ce n'était pas
dans les pratiques de mon milieu social. Je n'ai découvert les
musées que pendant mon année parisienne de scolarité à l'ENSB
(1969-1970), j'avais donc déjà vingt-quatre ans. Bien sûr, j'ai
commencé par le Louvre. Il me semble qu'à l'époque, c'était
gratuit le dimanche, ou au moins un dimanche par mois. Je voyais donc
pour la première en vrai la
Joconde
et la Vénus
de Milo,
la Victoire de Samothrace
et le Scribe accroupi, la
Liberté guidant le peuple
et tout un tas d’œuvres d'art qui m'ouvraient l’œil, même si
je les connaissais déjà par les livres.
Je
me suis rattrapé depuis, et tant dans différentes régions de
France que dans mes voyages à l'étranger, j'ai visité pas mal de
musées : de beaux-arts, mais aussi musées historiques,
ethnologiques, maritimes, d'artisanat ou d'industrie, botaniques et
scientifiques, etc. Cependant, j'ai toujours un problème avec mes
jambes, et j'éprouve le besoin de m'asseoir de temps en temps :
le piétinement imposé par de telles visites reste un peu pénible.
une plantation aux Antilles françaises : au premier plan les cases,
au loin, la maison des maîtres (maquette)
Vendredi
dernier, j'ai profité de la visite de mon amie C. pour aller pour la
première fois au Musée d'Aquitaine, qui occupe le bâtiment de mon
ancienne faculté des Lettres et Sciences humaines des années 64 à
67. Souvenirs, souvenirs... Bien entendu, le réaménagement en musée
a changé un peu – et même beaucoup – la configuration des
lieux. C'est devenu un musée historique, avec des collections
permanentes d'archéologie du Bordeaux antique, de pièces du
Bordeaux médiéval, toute une galerie du Bordeaux port de commerce
et centre névralgique de la pratique de l'esclavage et du commerce
triangulaire, etc...
un paysage dans la Haute Lande
Et
puis, il y a les expositions temporaires. En ce moment, c'était des
expositions photographiques. Bien qu'étant un piètre photographe –
je
ne pratique que depuis la disparition de Claire,
j'aime la photo. Il
y avait donc à voir : Félix
Arnaudin, le guetteur mélancolique
et Hayastan,
pensées d'Arménie,
Photographies
de Gaëlle Hamalian-Testud.
femmes landaises en deuil
Je
passe rapidement sur les très belles et nostalgiques photos
arméniennes, où la photographe-voyageuse sait nous faire voir des
"images
d'un territoire immense et nu, des portraits silencieux et émouvants,
des instants de vie intime".
Occasion de rencontrer parmi les visiteurs des Arméniens de France,
qui n'ont jamais pu oublier le pays perdu et qui nous expliqué
quelques photos, notamment les galettes de pain immenses, mises à
refroidir sur des fils, comme de grands tissus qui pendent. Photos
principalement en couleur, d'une beauté intense. Le lendemain, avec
C., nous avons regardé un de mes DVD de Sergueï Paradjanov, Sayat
Nova, magnifique portrait d'un poète arménien/géorgien du 18e
siècle.
une veillée : on file et on conte
J'ai
été davantage fasciné par l'exposition de photos de Félix
Arnaudin, observateur, ethnologue, folkloriste et photographe de la
Haute Lande. Ses photos en noir et blanc, datant de 1874 à 1921, sont
un témoignage inestimable sur la vie quotidienne, les coutumes et costumes, les
paysages des Landes au tournant des deux siècles. Je peux témoigner
que ça n'avait pas encore tellement changé dans mon enfance, du
moins entre 1951 et 1954. Je
n'ai pas acquis le catalogue de l'exposition, qui doit peser au moins
deux kg ! Mais c'est magnifique et, bien sûr, je suis un peu
retombé en enfance. J'avoue avoir grande hâte de lire les Contes
qu'il a recueillis, et même ses autres œuvres.
autre paysage de la Haute Lande
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