vendredi 5 juin 2015

5 juin 2015 : la misère et l'amour


Il n'existe pas de misère digne, de pauvreté hautaine, quoiqu'en disent les imbéciles qui ne s'y sont jamais frottés. Mais, à force d'habitude, on s'accoutume. On se défend avec les armes du bord, qu'aiguise la nécessité.
(Thierry Jonquet, Le pauvre nouveau est arrivé !, Méréal, 1997)


Je reviens de Montpellier, où j'ai pu découvrir la "très grande pauvreté", comme dit aujourd'hui en politiquement correct : personnellement, je dirais la misère, ma grand-mère aurait dit la mouise, mot un peu oublié, mais qui me paraît le plus correct quand on dort dans la rue et qu'on crève à ciel ouvert. Chacun sait qu'il n'existe plus d'aveugles (devenus malvoyants), ni de sourds (malentendants), ni de vieux (seniors), ni d'handicapés (personnes à mobilité réduite), ni de prisonniers (citoyens détenus), etc. Boileau ne pourrait plus appeler "un chat un chat, et Rollet un fripon" aujourd'hui. Passons. En tout cas, le nombre de SDF, de mendiants, de gens dans la mouise, dans la misère noire, aperçus aux alentours de la Place de la Comédie à Montpellier, était effrayant : une vraie "Cour des Miracles" ; et pourtant, nous n'avons pas encore, comme la Grèce, été mis à genoux par la fameuse "troïka" (là encore une appellation politiquement correcte, pour désigner les terroristes et magouilleurs financiers issus du traité de Lisbonne que nous avions pourtant rejeté, preuve que voter ne sert à rien) ! Que sera-ce quand chez nous aussi, le système craquera de partout, quand notre sécu, nos retraites, nos salaires, notre épargne, seront sabrés, pour permettre aux agioteurs et mafieux qui nous gouvernent (économiquement parlant) de s'enrichir encore davantage ?
Bref, je suis revenu, après avoir assisté à la soutenance de thèse de médecine de mon neveu Hugo. Ça portait sur les anticoagulants. Si j'ai bien compris, ça sauve des vies, mais nous servons tout de même de cobayes : ça doit être comme dans l'armée, les labos qui produisent ces médicaments doivent avoir droit à un pourcentage de pertes. Ce n'est pas tragique, car les gens seraient morts de toute façon. Et il faut bien essuyer les plâtres !
Los Hongos
Au cinéma, vu deux films intéressants : Los Hongos, du colombien Oscar Ruiz Navia, raconte l'odyssée de deux adolescents, Ras le black et Calvin le blanc, passionnés de street art et qui essayent ainsi de se réapproprier leur vie en couvrant certains espaces encore vierges de leurs fresques murales et de grafs. En particulier, ils s'inspirent des vidéos des révolutions arabes pour exprimer leur colère. Ras vit avec sa mère qui essaie de l'embrigader dans la bigoterie bien pensante, Calvin avec sa grand-mère bien-aimée, très âgée, qui, elle, défie le cancer qui la ronge. Ce personnage de grand-mère irradie, tant elle déborde d'humour et d'amour pour se battre contre la mouise. Pour une fois, un film colombien qui ne traite pas du trafic de drogue. Mais de simple humanité : c'est magnifique !
Une Femme Iranienne
Quant à Une femme iranienne, d'une femme réalisatrice (Negar Azarbayjani), c'est aussi un films somptueux et d'une rare humanité. Rana, mariée et mère d'un petit garçon, conduit clandestinement un taxi, en plus de son travail dans un atelier de couture. Son mari est en prison (son associé s'est enfui avec la caisse), et Rana se bat pour payer les dettes afin qu'il puisse sortir plus tôt de prison. La vie n'est pas facile, surtout pour une femme seule, très surveillée. Le jour où elle prend dans son taxi Edi, jeune adolescente qui semble poursuivie (on veut la marier de force), Rana ne sait pas dans quel engrenage elle met le pied. Je n'en dirai pas plus, car c'est construit comme un thriller haletant, avec heurt des classes sociales (Rana, venue du peuple, Edi, d'une famille très riche), apprivoisement lent des deux femmes, chacune victime de son côté du machisme ambiant. Là aussi, c'est l'amour qui vient à bout de la misère mentale et sociale. À voir de toute urgence. Passionnant, palpitant, humain...
L'Ombre des femmes
Un mot pour dire que pour la première fois j'ai aimé un film de Philippe Garrel. Je n'avais pas envie de le voir, mais y avait rien d'autre à l'heure voulue. L'ombre des femmes est superbe d'intensité : il parle d'amour avec une grande vérité, est filmé dans un noir et blanc magnifique. L'acteur et les deux actrices sont excellents. Une bonne surprise !

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