mardi 14 juillet 2015

14 juillet 2015 : Bastilles à prendre


La fin, tant proclamée des idéologies, cachait en effet la domination sans partage d'une idéologie qui s'est matérialisée dans la société du spectacle. Une société où le spectacle est le discours ininterrompu que l'ordre présent tient sur lui-même en tant que monologue élogieux.
(Sergio Ghirardi, Lettre ouverte aux survivants : de l'économie de catastrophe à la société du don, Éditions libertaires, 2014)



Que puis-je rajouter à ce que j'écrivais hier ? Je ne retire rien, malgré les lettres que j'ai reçues sur l'étonnante comparaison (que j'ai osée) avec l'Allemagne de Hitler. La grande différence, c'est qu'aujourd'hui, c'est bien plus subtil et feutré. Nul besoin d'envahir la Grèce comme on a envahi les Sudètes en 1938, on (c'est-à-dire les fameux "investisseurs", en fait des spéculateurs – appelons les choses par leur nom -, et relisons L'argent de Zola !) va s'emparer ("privatiser") de ses chemins de fer, de ses autoroutes, de ses banques, de ses ports, etc., bref, des rares services encore en état de marche et qui devraient être publics. Pour le plus grand profit de nos oligarques mondialisateurs.
Tsipras s'est couché. Je suis écœuré, et sans doute pas le seul, même si j'espère que c'est seulement provisoire. Désormais, qui va pouvoir continuer à voter encore à gauche ? "Le temps est venu d'en finir avec les illusions d'une politique électoraliste où élire ses représentants ne sert à rien sinon à déléguer son inexistence", nous rappelle Sergio Ghirardi dans son excellent livre, que j'ai découvert à Montpellier, au Salon du livre où il était présent.
Et dire qu'en ce même jour, 14 juillet, on (notre peuple) a pris la Bastille !!! Mais c'était en 1789. Plus personne ne s'y risquerait aujourd'hui... C'est devenu trop dangereux : "Ils ont donc fini par criminaliser même l'adhésion à l'idée de révolution", remarque Jean-Marc Rouillan dans sa postface à Je hais les matins ; il fut pris à partie par des policiers lors d'un passage récent en Grande-Bretagne et menacé d'être renvoyé en prison, parce qu'il avait répondu affirmativement à la question : « Êtes-vous toujours un militant révolutionnaire ? » Eh, mon Dieu, pourquoi aurait-il répondu négativement ? Ni Auguste Blanqui, ni Louise Michel, ses grands ancêtres, ne se sont repentis, et ils ont bien eu raison. Les autocrates aiment bien qu'on se repente et donc qu'on leur mente (Staline et les fameux aveux extorqués, les Américains à Guantanamo s'y sont essayés aussi), ce qui entre parenthèse prouve bien qu'on est toujours dans le religieux, même quand on se prétend guidé par la déesse Raison.

Aucun doute : les hommes aiment les barreaux ! 
(photo prise sur le Matisse

"Nous nous battons pour une dignité de l'humain qui ne se mesure pas et qui sera de toute façon toujours en porte-à-faux des critères chiffrés", nous rappelle Vincent Cheynet, dans l'excellent numéro de La Décroissance de juin 2015. Voilà une chose que nos obtuses élites, de gauche comme de droite, sont totalement incapables de comprendre. Face à ces chênes présomptueux, soyons des roseaux : plions, mais ne rompons pas !
Il reste encore tant de Bastilles à prendre ! Et quand donc aurons-nous droit à autre chose que des défilés militaires pour fêter le 14 juillet ?

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