dimanche 5 juillet 2015

5 juillet 2015 : Festival de La Rochelle 2015


C'est que, voyez-vous, Monsieur, je me passionne pour l'étude de l'homme. Or, il y a quelques années, j'ai découvert que le meilleur moyen de l'étudier était de le chercher dans les œuvres conçues pour le théâtre.
(Rafael Sabatini, Scaramouche, trad. Jean Muray, Phébus, 2008)


Me voici de retour du Festival de cinéma de La Rochelle. Après ces huit jours bien ventilés par la rumeur océane, j'ai découvert un appartement à 29°, dont la température a fini par descendre à 24° ce matin, grâce à une ouverture de toutes les fenêtres et aux courants d'air de la nuit. Bref, difficile de se rafraîchir... à moins de remplir la baignoire ou de prendre une douche express. 


   
La Rochelle 2015 n'a pas été un cru exceptionnel, à mon sens. Le film d'ouverture, Mia madre, de Nanni Moretti, n'est pas à la hauteur de ses meilleurs. Mais il y avait les rétrospectives Visconti (enfin vu Le guépard sur grand écran, revu aussi Rocco et ses frères), Bellocchio (n'ai pu voir qu'un film), c'était très italien cette année. Il y avait une découverte du cinéma géorgien (vu cinq films, tous très bons, mais très durs). En muet, j'ai découvert le Fantômas (1913-1914), de Louis Feuillade, qui enchantait les surréalistes (Complainte de Fantômas, de Robert Desnos : "Allongeant son ombre immense / Sur le monde et sur Paris, / Quel est ce spectre aux yeux gris / Qui surgit dans le silence ? / Fantômas, serait-ce toi / Qui te dresses sur les toits ?"), magnifiquement restauré et accompagné au piano. Vu un des dessins animés chinois, Le prince Nezha triomphe du roi Dragon, qui m'a beaucoup plu. Il y avait aussi un hommage à la famille Makhmalbaf, dont j'ai vu deux films (un du père, Mohsen, un de la fille, Hana). J'ai aperçu à plusieurs reprises Yolande Moreau, l'actrice invitée du festival.



Parmi les films inédits et donc en avant-première, un film finlandais, Tsamo, excellent portrait d'une jeune Indienne d'Alaska transplantée dans la Finlande tsariste des années 1860 : formidable étude sur le choc des cultures. Un film anglais, 45 ans, qui raconte la préparation de la fête des quarante-cinq ans de mariage d'un vieux couple joué par Charlotte Rampling (excellente, comme toujours) et Tom Courtenay (ce dernier que je revoyais pour la première fois depuis ses films des années 60, Courtenay est resté pour moi l'inoubliable héros de La solitude du coureur de fond). Un très beau film québécois de François Delisle, Chorus, raconte en noir et blanc le deuil d'un couple dont le fils de huit ans a disparu et dont on apprend, dix ans plus tard, qu'il a été assassiné : un fort moment d'émotion. Un film turc, Until I lose my breath, raconte la difficulté d'être jeune femme en Turquie (je venais de voir, sur un thème voisin, avant de partir, le film Mustang). Le film hongrois Le fils de Saul nous emmène à Auschwitz-Birkenau et nous montre la solution finale en action, et la manière dont les nazis faisaient participer les prisonniers eux-mêmes aux sales besognes (sortir les corps nus des chambres à gaz, les pousser les fours crématoires, disperser les cendres dans la rivière voisine : les sonderkommandos étaient des juifs momentanément à l'abri de la mort, jusqu'à ce qu'on décide qu'ils en avaient trop vu et seraient des témoins gênants). Grand prix du jury à Cannes, le film met mal à l'aise, par absence de point de vue moral (à mon sens). Le superbe film grec At home (déjà vu à Montpellier en octobre, mais toujours en attente d'un distributeur) nous montre la manière dont la haute bourgeoisie grecque traite ses immigrés : ici une géorgienne, embauchée comme domestique, et qu'on jette comme un sac quand elle tombe malade (alors qu'elle n'a jamais été déclarée et ne bénéficie donc pas de sécurité sociale). Édifiant ! Et qui nous permet de comprendre les problèmes de la Grèce actuelle, dont les responsables ne sont pas le peuple, mais les élites.
Comme toujours, un somptueux accueil à Angoulins-sur-Mer chez mes amis, d'où j'enfourchais chaque matin mon vélo pour rallier La Rochelle, à 10 ou 11 km selon le circuit choisi. De quoi joindre l'utile (l'exercice physique) à l'agréable (le cinéma étant pour moi, au même titre que la littérature, la poésie, le théâtre, les arts, les voyages et l'écriture, un exercice spirituel), tout en étant à la rencontre des hommes (vus sur l'écran ou dans les files d'attente). Prochain festival : la Mostra de Venise en septembre, si tout va bien...

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