dimanche 13 mars 2016

13 mars 2016 : Côte d'Ivoire : 27-28 février : Yamoussoukro et retour


L'assassin est surtout l'homme inconséquent qui préfère l'injustice au désordre. Or l'injustice est le premier des désordres ! 
(Nangala Camara, Le printemps de la liberté, Le serpent à plumes, 2000)



27 février : Lever à 8 h, pour pouvoir partir à 9 h, non sans regarder le moteur, vérifier les niveaux d'huile ! Tout va bien de ce côté.
Nous refaisons le chemin inverse, croisons de nouveau des barrages de policiers, comme à l'aller. On nous laisse passer sans encombre à Duékoué. Par contre, à l'entrée de Daoula, on nous fait signe de nous arrêter. "Alors, on nous rapporte quelque chose de Man ?", demande le cerbère avec un air de faux-cul. Lucile, qui conduit, se trouble et répond : "De la bonne humeur". Ce qui ne lui plaît pas, au sbire : il demande à voir les papiers de la voiture, puis le permis de conduire de Lucile. Elle a eu le malheur de lui dire qu'elle était en Côte d'Ivoire depuis trois ans : "Alors, vous êtes en infraction ! Vous devriez avoir le permis de conduire ivoirien !" (c'est effectivement le cas de Pierryl). Lucile parlemente, sort sa carte de l'ambassade, valable jusqu'à la mi-2016, explique qu'un arrangement entre l'Ambassade de France et le Ministère des Transports ivoirien permet aux travailleurs de l'Ambassade de circuler avec le permis français, par dérogation ; oui, mais il faut une lettre de confirmation. Il ne veut rien entendre. Il propose même qu'elle aille au bureau pour un constat de police, après quoi elle recevra une convocation du juge, etc. Bref, au bout de vingt minutes en plein cagnard, de guerre lasse, Lucile lui donne un billet. Il rend aussitôt les papiers.
Comme on sait qu'il va avertir ses collègues du racket possible au second barrage à la sortie de Daoula, je propose à Lucile de prendre le volant, puisque moi, je ne suis là que depuis huit jours, et que j'ai le droit de conduire avec un permis français. Au cas où le policier préviendrait l'autre barrage, je prends le volant quand même, après le plein d'essence ; Lucile achète à la boutique des sodas. Au grand ébahissement du policier suivant, il voit un vieux au volant, et non pas la jeune femme rançonnable. Il nous laisse passer sans demander son reste. Quelques km plus loin, j'arrête et lui redonne le volant. Je sens qu'elle est un peu à cran, ma fille. D'ailleurs, ça nous a fait perdre une demi-heure à peu près. Nous n'avons pas faim, il est déjà midi largement passé, nous regardons plutôt la route pour éviter les trous, nous admirons au passage le lac de barrage dans lequel surgissent de ci-de là, comme des poteaux indicateurs, les troncs noircis des arbres engloutis.
le lac et les arbres fantômes
Chaleur toujours intense. Nous buvons autant que possible, mais l'eau est maintenant tiède dans nos bouteilles. J'ai oublié de signaler qu'on voit quand même pas mal de cyclistes sur les routes : ils transportent toutes sortes de marchandises ! C'est visiblement un véhicule utilitaire ici, où seule une minorité possède une voiture, en particulier à la campagne. Nous finissons par arriver à Yamoussoukro vers 14 h 30 et tournicotons un quart d'heure avant de trouver l'hôtel réservé grâce au Petit fûté, la Résidence Bera. On s'installe et on file au restaurant se partager une carpe pour deux, car nous avons plus soif que faim.
vue extérieure partielle de la Fondation
Puis nous repartons visiter la Fondation Félix Houphouët-Boigny pour la Recherche de la Paix. C'est un des monuments pharaoniques de la ville, voulus par le président Houphouët-Boigny, réalisé par l'architecte Olivier-Clément Cacoub, et confié en 1997 à l'Unesco. Y sont organisés des conférences internationales, des séminaires. Nous le visitons avec le pompier de service (géré par une société de sous-traitants), guide bénévole qui nous en dévoile les arcanes : escaliers monumentaux, salles de séminaire, salles de conférences équipées de systèmes de traduction simultanée pour huit langues, dont un amphithéâtre de 2000 places, utilisé aussi pour des spectacles culturels. Un des salons sert aussi pour des fêtes de mariage...
un lustre 
Puis nous faisons un saut à l'Hôtel Président, celui des hôtes de marque, des officiels de passage et congressistes internationaux, où Lucile a déjà dormi lors de déplacements officiels avec l'ambassadeur et où elle voulait me montrer le restaurant-bar panoramique, malheureusement fermé à l'heure où nous arrivons.
beaux flamboyants aux pieds de l'hôtel Président
Repas du soir, léger, une salade, à La Brise, petit restaurant au bord d'un des petits lacs du centre de la ville.


28 février : Petit déjeuner express. Puis nouvelle visite de Yamoussoukro. Cette fois, Lucile veut m'emmener voir l'Université, situé à la périphérie de la ville immense, conçue pour abriter un jour 3 000 000 d'habitants (contre 200 000 aujourd'hui) quand le gouvernement décidera d'en faire la capitale effective du pays. Encore faudrait-il y attirer les entreprises, outre les fonctionnaires et les ministères, très réticents à venir s'enterrer ici ! Difficile de lutter contre Abidjan. De ce fait, Yamoussoukro ressemble à une coquille vide : avenues immenses quasi sans voitures, terrains non construits !
sur le campus
Cependant l'Université, bâtie sur un campus à l'américaine, très vaste, avec des villas pour les enseignants, de vastes pelouses, est davantage un agrégat de grandes écoles : l'Institut National Polytechnique, qui comprend six grandes écoles, avec résidences pour les étudiants. Justement, on en croise un, Sidibé, à qui nous posons des questions et qui nous fait visiter. Nous apercevons la bibliothèque-centre documentaire, enterrée au centre même des bâtiments de cours. 
la bibliothèque
Il y a 3 000 étudiants, triés sur le volet, la future élite du pays. Le sympathique Sidibé nous signale que, vu l'éloignement du centre-ville, rien ne distrait les étudiants de l'étude !
Ensuite, nous nous dirigeons vers la fameuse basilique Notre dame de la Paix. Au passage, nous nous arrêtons au lac aux crocodiles. 
on préfère le voir de loin
Des enfants sont là qui regardent. Nous voyons cinq de ces bestioles, trois sur la berge, un à demi dans l'eau, le dernier dans l'eau, comme à l'affût. Un gardien vient de temps en temps leur jeter de la nourriture (poulets), mais on sent qu'ils aimeraient bien se fournir en chair humaine. Voyant mes bras velus, les enfants s'enhardissent à venir me toucher et les caresser : apparemment une telle toison leur est inconnue. Nous entendons les chants et cantiques de l'église protestante (évangélique ?) toute proche. En repartant, nous voyons qu'elle doit être pleine, car une partie des fidèles se trouve dehors.
 la mosquée, finement décorée
Au passage encore, petit arrêt devant la grande mosquée, voulue aussi par l'ancien président pour marquer son intérêt pour tous les habitants.
Enfin, la basilique (architectes Pierre Fakhoury et Patrick d'Hauthuille). Elle est au milieu de nulle part, comme tout ici, puisque la ville, géante, est pleine de terrains vagues. Elle se remarque par sa coupole gigantesque, la plus grande du monde : malgré ses vingt-cinq ans, elle n'a pas souffert du climat, d'ailleurs très sec ici au centre du pays, et surtout parce qu'elle est construite en matériaux nobles : marbre notamment. On remarque aussi, à l'extérieur, l'esplanade elliptique avec ses nombreuses colonnes. Enfin, les vitraux sont saisissants et très réussis. 
on va à la messe ! 
Nous y arrivons à l'heure de la messe, manière de voir si elle attire du monde. Environ 400 fidèles sont là, dont quelques "blancs". Nous décidons de rester pour toute la cérémonie. Il y a plusieurs prêtres, dont le recteur, un Polonais, qui débite l'homélie. La chorale chante bien, ça swingue même un peu dans le dernier cantique. Et je vais communier, pour la première fois de ma vie dans une église catholique ! Voilà, je m'y sentais bien, j'en avais envie ! Façon de communier avec la Côte d'Ivoire avant de la quitter.
Nous partons au moment des annonces, qui menaçaient de s'éterniser, et pour éviter l'embouteillage du départ des voitures. Nous reprenons une des vastes avenues (prévues pour une population et une circulation importantes) pour aller vers le centre ville, où Lucile m'emmène dans un restaurant libanais, Chawarna, qui fait des salades délicieuses.
Et c'est le retour sur Abidjan pendant lequel nous essuyons une averse, la troisième de mon séjour. Nous arrivons avant Pierryl, parti avec tout un groupe à Assinie.

Le soir, ils m'emmènent à l'aéroport : j'aurai passé deux semaines ici qui valent bien un mois ailleurs, tant elles furent denses et étonnantes ! Adieu, l'Afrique...

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