mercredi 9 novembre 2016

9 novembre 2016 : a-t-on atteint le fond du fond ?


Peu importe ici le caractère manifestement imaginaire de telles appréhensions ; ce n’est pas parce que les fantasmes sont infondés qu’ils ont moins d’emprise sur les esprits.
(Arlette Jouanna, La Saint-Barthélémy : les mystères d’un crime d’État, 24 août 1572, Gallimard, 2007)

Je terminais ma page de blog du 4 novembre par ces mots : "Triste époque. Il est vrai que je n’y suis plus pour très longtemps." J’ai passé mon week-end à discuter Trump avec Georges et Odile et à leur prédire sa victoire ; ça n’a pas manqué. Il fallait être aveuglé par ses préjugés pour ne pas le sentir, ou bien ne rien connaître à l’Amérique profonde.



 
Je lis depuis cette année les "écrivains" noirs américains militants que sont George Jackson (mort en prison) et Angela Davis. Cette lecture fait comprendre à quel point l’Amérique blanche reste profondément raciste. Angela estime même qu’elle a remplacé l’esclavage par l’incarcération dans ce qu’elle nomme le complexe carcéro-industriel. Il y a en effet 2 millions de Noirs dans les prisons américaines, ce qui est une sur-représentation évidente, et qui correspond très précisément au nombre d’esclaves qu’il y avait avant la Guerre de sécession. On notera que la haine anti-Noirs est particulièrement marquée chez les policiers qui les assassinent sans scrupule et sans être le moins du monde inquiétés. Mais cette haine est générale dans la population blanche qui est loin d’avoir admis qu’un Noir (Obama) ait pu être élu. Ce qui m’a le plus étonné, à vrai dire, c’est qu’il n’ait pas été victime de tentative d’assassinat pendant sa double présidence.
Et puis, disons-le, Hillary Clinton était loin d’être une candidate idéale. Figure de l’establishment oligarchique, elle ne représentait pas le moindre renouveau. Ses discours, son allure, sonnaient aussi faux que chez nous ceux de Sarkozy ou de Hollande : qui peut avoir envie de voter pour eux ? Elle a donc perdu en cours de route une partie de l'électorat démocrate.
Télérama signale que le cinéaste Michael Moore, avait publié en juillet dernier une tribune sur le Huffington Post intitulée Les cinq raisons pour lesquelles Trump va gagner. Il s’y montrait étonnamment visionnaire. Dans sa tribune, Michael Moore s'adressait au lecteur : Vous agitez la tête en disant : "Non Mike, ça n'arrivera pas!". Malheureusement, vous vivez dans une bulle. Ou plutôt dans une grande caisse de résonance capable de vous convaincre, vous et vos amis, que les Américains n'éliront pas cet idiot de Trump. Il ajoutait : Si vous croyez encore qu'Hillary Clinton va vaincre Trump avec des faits et des arguments logiques, c'est que vous avez complètement manqué la dernière année, durant laquelle 16 candidats républicains ont utilisé cette méthode (et plusieurs autres méthodes moins civilisées) dans 56 élections primaires sans réussir à arrêter le mastodonte. Michael Moore expliquait que les États du Michigan, de l’Ohio, de la Pennsylvanie et du Wisconsin, traditionnellement démocrates, risquaient selon lui de passer républicains. Et c'est ce qui s'est déroulé cette nuit, note Télérama. Ce paysage déprimant d'usines en décrépitude et de villes en sursis est peuplé de travailleurs et de chômeurs qui faisaient autrefois partie de la classe moyenne. Aigris et en colère, ces gens se sont fait duper par la théorie des effets de retombées de l'ère Reagan. Ils ont ensuite été abandonnés par les politiciens démocrates qui, malgré leurs beaux discours, fricotent avec des lobbyistes de Goldman Sachs prêts à leur écrire un beau gros chèque. Il expliquait aussi pourquoi beaucoup de jeunes électeurs ne voulaient pas d'Hillary Clinton : Les jeunes n'ont aucune tolérance pour les discours qui sonnent faux. Dans leur esprit, revenir aux années Bush-Clinton est un peu l'équivalent d'utiliser MySpace et d'avoir un téléphone cellulaire gros comme le bras. Les jeunes ne voteront pas davantage pour Trump. Certains voteront pour un candidat indépendant, mais la plupart choisiront tout simplement de rester à la maison. Il ajoutait en conclusion : des millions d'Américains en colère seront tentés de voter pour Trump. Ils ne le feront pas parce qu'ils apprécient le personnage ou adhèrent à ses idées, mais tout simplement parce qu'ils le peuvent.
Je crains fort que pareillement en France, les trompettes du Front national vont résonner semblablement et que beaucoup voteront pour eux, non pas parce qu’ils le veulent, mais parce qu’ils le peuvent ! Et ce n’est pas les guignols qui s’agitent dans ces primaires déprimantes qui y changeront quelque chose, sinon de se déconsidérer davantage encore. Enfin... j’attends de voir leurs programmes, mais je n’en espère rien de bon : ce sera libéralisme à tout-va, à droite, et malheureusement à gauche aussi (sauf Mélenchon, mais son programme qui va paraître sous peu ne sera pas exempt de défauts non plus, et tout le monde sait qu’il n’a aucune chance d’être élu). Pour faire du social, on repassera, ce n’est plus à la mode. Et tant pis si ça ouvre un boulevard aux candidats les plus nauséabonds.
Vivement que je m’en aille !
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Je pars justement demain pour une petite dizaine : en Bretagne d'abord, à Paris ensuite...

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