mardi 10 janvier 2017

10 janvier 2017 : Neruda : retour au cinéma


Vous allez demander : et où sont les lilas ?
(Pablo Neruda, L’Espagne au cœur)

À marquer d’une pierre blanche : j’ai pu enfin aller au cinéma en 2017. Je n’y étais pas retourné depuis avant Noël 2016. En dehors de mes voyages en cargo, un tel délaissement du cinéma est assez rare, puisque j’y vais au moins deux à trois fois par semaine, et souvent pour voir plusieurs films à la suite, habitude que j’ai prise (non sans mal) dans les festivals de cinéma !
J’avoue n’avoir que peu d’intérêt pour les films biographiques, sauf lorsqu’ils offrent un point de vue de vue sur le personnage : ex. : La prise du pouvoir par Louis XIV, de Rossellini,1967).Ici, ce qui m’a plu, c’est que le film ne décrit qu'un épisode de la vie de Neruda, en 1948 : sa fuite  en Argentine, pour échapper à l’arrestation de tous les communistes et syndicalistes chiliens ordonnée par le gouvernement de droite dirigé par Gabriel González Videla (précurseur de Pinochet, je n’en sais rien, en tout cas, à la remorque des USA ou sur leur ordre, comme toujours en Amérique latine, encore aujourd'hui, où les USA étranglent le gouvernement vénézuelien, coupable d'indocilité). Ce qui m’a diantrement intéressé, c’est que le sénateur Neruda est poursuivi par un policier obstiné, l’inspecteur (ou commissaire, on ne sait pas trop) Oscar Peluchonneau (joué par l'excellent Gabriel García Bernal), dont on subodore qu’il n’existe que dans l’esprit de Neruda : il est décrit par un autre personnage comme  moitié abruti, à moitié con."

Peluchonneau, l'homme à la moustache = le policier traqueur
 
Avis aux admirateurs de Neruda (mais on sait que pour tous les écrivains, l’homme et l’œuvre sont deux choses parfois éloignées) : le Neruda, défenseur du peuple et des travailleurs, en prend un coup. On le voit participer à des partouzes et fréquenter assidûment les bordels, il se montre comme un monstre d’égoïsme et de satisfaction. Mais pourquoi vouloir en faire un saint ? Simplement, on est ici dans la subjectivité du policier, anticommuniste primaire. Peluchonneau est aussi bien une invention de Neruda, que le Neruda décrit par Peluchonneau n’est que l’invention d’un flic assez réactionnaire (mais qui cependant a lu Neruda) (et peut-être invention de Neruda lui-même, décidé à déboulonner sa propre statue), et qui espère être celui qui arrêtera le communiste le plus recherché de son pays. Au fond, Neruda eut été ravi d'être arrêté !
On est donc dans un film en trompe-l’œil, en miroir, en abyme, donc dans un récit complexe qui demande la réflexion du spectateur. Sans être dans l'enthousiasme absolu, je suis allé jusqu’au bout, et ça m’a tout bonnement donné envie de relire Neruda, notamment le Chant général (Canto general), que je n'ai lamais lu, et dont les poèmes très virulents apparaissent dans le film ! On comprend comment les fachos de l’époque ont tenté d’éliminer un tel poète, car, visiblement, le peuple chilien prenait goût à ses poèmes !

Comme tout écrivain, même si j'en suis un très modeste, je passe mon temps dans la vie à imaginer la vie des personnes que je rencontre ou que je côtoie : c'est dire que si ce film m'a intéressé (j'ai préféré presque tous les autres films de Pablo Larrain que j'ai vus), c'est par ce point de vue de l'écrivain qui est au centre du film !
 

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