mercredi 26 avril 2017

26 avril 2017 : l'idiot et les prédateurs


Supprimer la loi et le code, c’est rétablir quelque chose de bien plus violent que la loi de la jungle, parce que dans la loi de la jungle le prédateur s’arrête quand son besoin est satisfait. Dans la répartition de la richesse, il n’y a pas de limite pour le prédateur.
(Jean-Luc Mélenchon, De la vertu, Éd. de l’Observatoire, 2017)



C’est l’histoire d’un cheminot bulgare : Tsanko Petrov, la cinquantaine, célibataire, un peu simplet, mais pas idiot (ou alors au sens du personnage de Dostoïevski), il vit seul avec son petit jardin et ses lapins qu’il aime caresser (il fait un peu penser au personnage de Lennie dans Des souris et des hommes) ; il travaille sur les voies où, muni de sa grosse clé de 6 kg, il resserre les écrous. C’est un silencieux, affligé d’un bégaiement qui peut être terrible quand il est placé dans des situations nouvelles. Il observe ses collègues qui siphonnent le fuel des locomotrices pour augmenter leur maigre paye (versée d’ailleurs avec deux mois de retard). Voilà qu’un jour, il trouve des billets de banque sur la voie ferrée, une énorme somme, en fait des millions de leva. Dans son honnêteté simpliste, il appelle la police. Ce qui met en branle le Ministère des Transports qui décide d’organiser une fête en son honneur (manière de redorer l’image du Ministère ternie par des malversations) et de lui offrir, outre un diplôme, une nouvelle montre-bracelet en récompense. Mais Julia Staikova, la directrice des relations publiques du ministère des transports, égare sa vieille montre, relique de famille, sur laquelle était gravé : À mon fils Tsanko. Le malheureux Tsanko se livre alors à un combat désespéré pour récupérer, avec sa vieille montre, sa dignité bafouée. 

 
Présenté en 2016 au Festival de Locarno, Glory avait fait sensation. C’est un apologue d’une cruauté inouïe sur la corruption des milieux politiques et médiatiques, où l’innocent est d'abord manipulé pour finir par être broyé. Le personnage de Julia Staikova, la femme forte, qui règne d’une main de fer au Ministère, rédige les discours de son patron, est diabolique : elle n’hésite pas à faire intervenir la mafia pour contrer le malheureux Tsanko qui se rebiffe. On est dans le cauchemar pour Tsanko (ses collègues de travail ne l’ont-ils pas appelé "l’imbécile de la République", quand ils ont su qu’il n’avait pas gardé l’argent ?), dans les méandres de la bureaucratie et du cynisme des dirigeants carriéristes et sans scrupules qui détournent des fonds publics (les politiques) ou qui cherchent le scoop (les télévisions) en manipulant l’opinion. Ainsi, Tsanko, l’homme simple, est plongé brutalement dans le monde d’Ubu.
La ciné-discussion (organisée par l'Association des Amis de l'Utopia 33) qui a suivi la projection du film nous a fait prendre conscience (grâce à Stefania, une Bulgare installée à Bordeaux depuis vingt ans) des difficultés de la société bulgare actuelle, coincée entre l’héritage du communisme (la pauvreté qui perdure, et la bureaucratie qui s’incruste) et le libéralisme le plus féroce des nouvelles classes possédantes. Le film est formidablement bien interprété, l’histoire est prenante, c’est très bien filmé, ça mérite d’être vu deux fois, ce que j’ai fait.
Et c'est mon premier film bulgare !
 

lundi 24 avril 2017

24 avril 2017 : après la gueule de bois


Il y a une sorte d’uniforme moral que portent tous les spéculateurs milliardaires.
(Octave Mirbeau, La 628-E8, Fasquelle, 1907)


Vous avez bien connu un jour la gueule de bois ? C’est un peu ce qui se passe pour moi, depuis hier soir (heureusement que je n’ai pas d’alcool à la maison, je me serais saoulé !). Malgré les énormes progrès de mon champion (+ 3 millions de voix par rapport à 2012), il a été la victime du machiavélisme de Hollande et du PS. Ils savaient bien que Hamon allait au casse-pipe, mais après tout, Hamon a bien fait "le job pour lequel il était mandaté par l’appareil du parti, à savoir : limiter autant qu’il le pouvait la progression des insoumis", ai-je lu quelque part. Mélenchon aurait peut-être pu se qualifier si l’autre zigoto de service s’était désisté, comme il aurait dû le faire. Et on aurait au moins eu un candidat de gauche au second tour, car il pouvait dépasser la Le Pen.
 
Heureusement, ça ouvre la voie à la fin de l’hégémonie du PS sur la gauche, car le parti est en lambeaux. Il fallait les regarder se précipiter pour se raccrocher au wagon Macron hier au soir ; c’était pénible à voir et à entendre. Je me demande comment ils auraient réagi en cas de second tour Macron-Mélenchon. Ils auraient peut-être alors montré leur vrai visage, celui des amis de la finance internationale, de l’évasion fiscale (l’un de leurs ministres n’en était-il pas un vrai champion ; ah ! on le juge moins vite qu’un voleur de pain !), des réductions d’impôts pour les ultra-riches, de la fin de l’ISF (n’est-elle pas au programme de Macron ?), de la spéculation immobilière, des ventes d’armes, des réductions des services publics, et j’en passe…
Bref, Mélenchon a été un des rares à dire hier au soir qu’il n’avait pas été mandaté pour donner des consignes de vote. Pour en avoir discuté dès hier avec pas mal de personnes dès la fin du dépouillement auquel j’ai participé dans mon bureau de vote (Mélenchon 1er dans mon quartier, bravo !), puis encore ce matin, je peux affirmer qu’on sera assez nombreux à ne pas voter ou à voter nul ou blanc ! Pas question d’une élection soviétique comme Chirac en 2002 : 82,21 %. "On nous a eus une fois, on nous aura pas deux fois", tous me disaient ! Ça fait d’ailleurs quelque temps qu’on le dit aussi, depuis deux ou trois ans, entre nous. Et qu’on ne nous fasse pas le coup du fait qu’on risque de laisser élire Le Pen. Celle-ci a d’ailleurs fait son plein de voix chez les ruraux (elle fait un score très faible dans les grandes villes) et les vieux (paraît qu’elle est à 45 % chez les plus de 70 ans).
Macron fera autour de 60 %, on verra le total des abstentions, des votes nuls et blancs. C’est déjà pas si mal ! Bravo à Hollande d’avoir achevé le travail commencé par Jospin (le 1er ministre qui a le plus privatisé, faut le faire, quand même, quand on se dit de gauche) qui aura été de détruire peu à peu la gauche et surtout d’en dégoûter les électeurs. Il ne reste donc plus, à gauche, que l’extrême gauche (en voie d’extinction) ou les insoumis, les "Nuit debout", les zadistes, les autres étant complètement englués dans la soi-disant modernité du divin marché, la course aux prébendes qui va avec et la mort définitive de l’idéalisme en politique.
En tout cas, même si Mélenchon donnait une consigne de vote contre Le Pen, qu’il prenne garde, il perdrait pas mal de ses soutiens, qui en ont marre de voter "contre".

samedi 22 avril 2017

22 avril 2017 : au seuil du futur


Une société vertueuse est une société qui met en pratique les principes dont elle se réclame et qu’elle proclame. c’est pourquoi notre société n’est, d’aucune manière, vertueuse. Elle proclame la liberté alors que celle-ci est sévèrement mise en cause, elle proclame l’égalité alors que celle-ci est foulée aux pieds, et elle affiche la fraternité alors qu’elle laisse l’espace public se remplir de haine.
(Jean-Luc Mélenchon, De la vertu, Éd. de l’Observatoire, 2017)




Mes derniers pronostics :

1 le pire (mais le plus probable) : Le Pen – Fillon
2 le plus surprenant (mais assez peu probable) : Mélenchon – Macron
3 le possible : Fillon – Macron
4 l’autre possible : Le Pen – Macron

Il est certain que l’attentat de jeudi joue en faveur de Le Pen et Fillon et de la droite surexcitée... Leur cote est sûrement sous-évaluée dans les sondages, mais on n’est pas à l’abri d’une surprise (la plus originale serait Mélenchon – Poutou au second tour !).
Bon vote, vous connaissez le mien. Je garde le bulletin Mélenchon arrivé avec les papiers électoraux pour le second tour ; je ne voterai désormais plus jamais contre quelqu’un mais pour quelqu’un !!! si je continue à voter ce qui n’est pas dit, car je viens de lire chez Henri Michaux, dans Ecuador, paru chez Gallimard en 1929 pour la première fois :
"Il est bien vrai que toujours, en tout temps, le vieillard retarde. L’époque actuelle, c’est pour lui de l’exotisme."
J’ai comme l’impression de vivre en pays exotique : mon Dieu, serais-je déjà un vieillard ?

mercredi 19 avril 2017

19 avril 2017 : vieillir ! quelques réflexions...


Chaque jour maintenant je m’enseigne à mourir.
(Marcelle Delpastre, Le chasseur d’ombres et autres psaumes, Éd. dau Chamin de Sent Jaume, 2002)



Rassurez-moi, je ne dois pas être le seul en France à recevoir des courriers et des mails de diverses administrations (mairie) ou services (pompes funèbres, résidences pour seniors, mutuelles, croisières, vacances, banques, etc.). Avec internet, tout le monde sait notre âge, nos goûts, nos intérêts...
D'où l'intérêt de se déconnecter comme je le fais chaque fois que je pars en vadrouille à pied, à vélo, en bus, en train ou en cargo... Je n'ai, Dieu merci, pas de smartphone, ce qui m'oblige à demander mon chemin (obligeant tel ou telle à enlever ses "chers" écouteurs : - Vous disiez ?), à regarder des cartes IGN - GPS connais pas, et je continuerai à m'en passer-, à accueillir les rencontres comme elles se présentent (suffit souvent d'un sourire), à lire (nom de Dieu, que c'est ringard), à baguenauder, bref à vivre pleinement... Tant que j'ai des jambes pour marcher ou pédaler et des yeux pour voir, des oreilles pour entendre et un nez pour sentir les parfums, une bouche pour apprécier les nourritures terrestres et un esprit pour les nourritures spirituelles, toutes choses qui ne passent pas par cette prothèse que tant de gens gardent précieusement dans leurs mains, parfois même sous leur oreiller (Mon Dieu, qu’arriverait-il si soudain, ça disparaissait ? Je me souviens de la scène assez cruelle de Carnage, le film de Polanski, où la femme de l’avocat, lasse de voir son mari sans cesse collé à son cher appareil, le lui prend des mains et le balance dans l’eau du vase de fleurs, et le mari aussi s’effondre et se met à pleurer !) ...
Et on reçoit aussi avec le courrier papier (snail mail, courrier escargot, comme disent les anglophones) dans notre boîte aux lettres concrète (en chair et en os, en quelque sorte), des documents de toute sorte qui, sans être des publicités (auquel cas, ça ne passerait pas, du moins dans ma tour-bunker) qui, sous l'apparence de lettres donc, nous incitent aussi à acheter du vin et du Champagne pour les fêtes (à croire que les fameux seniors passent leur temps à faire la fête !), à assurer nos descendants, nos chiens et nos chats, à découvrir l'âme-sœur, à faire des dons et legs à des flopées d'associations caritatives, à voir du côté des plantes pour améliorer sa prostate, sa vessie, son cœur ou ses prouesses amoureuses, à installer une douche très sophistiquée ou un monte-escalier, etc...
Bref, de temps en temps, on est si ravi de trouver une carte postale ou une vraie lettre qu'on se dit qu'on a de la chance : mais n'y a-t-il pas une erreur, le facteur ne s'est-il pas trompé ? Est-ce bien pour moi, cette chose archaïque que nos petits-enfants ne connaissent plus, habitués à biberonner devant leurs écrans depuis leur plus jeune âge (on les prive de leur enfance, les malheureux, on les suit à la trace, finis le chemin des écoliers et l'imagination vagabonde...).
De toute façon, il y a toujours plus vieux que nous. Et souvent en grande difficulté, qu'ils vivent encore chez eux, seul(e)s ou dans des résidences pour personnes âgées. Surtout quand l'âge les a marqués (col du fémur cassé, maladies diverses) et qu'ils ne peuvent plus sortir. Car alors là, ça peut être dur : qui va rendre visite à des amis nonagénaires ? Qui a envie de se voir dans le miroir de son futur ? Beaucoup sont dans la très grande solitude. On me dit qu'ils radotent, qu'ils ratiocinent : peut-être, mais pas plus que les hommes politiques et les experts ou stars à la radio et à la télé. Et au moins, eux, ils sont humains ! Ils sont ce que nous sommes.
J'ai toujours aimé les "vieux". J'en ai rencontré tant dans ma vie, de ces fortes personnalités qui ont plein de choses à nous apprendre, ne serait-ce qu'à renouer le fil de l'Histoire avec un grand H, à ne pas vivre dans l'instantanéité perpétuelle, à ne pas oublier d'où nous venons. Je pense à ma grand-mère, maternelle bien sûr, qui vivait chez nous et qui m'a appris à vivre, à ce vieux paysan gersois, auteur de quelques livres émouvants et très réussis, à la vieille dame de Montmorillon et au voyage initiatique qu'elle me raconta avoir fait avec son grand-père à l'âge de seize ans à travers l'Europe et la Méditerranée des années 30 (« Quand je suis revenue, me dit-elle, j’ai su que je n’aurais plus jamais peur de ma vie »), à mes vieux amis poètes de Poitiers qui ont l'âge de mes parents (qui, eux, sont morts) et que j'aime infiniment, tant ils m'apportent la paix intérieure (ils me surnomment le "gamin !"), à la globe-trotteuse rencontrée sur un cargo et qui m'a appris à voyager léger, à la sœur de lait d'Henri Bosco qui devait bien avoir 90 ans, rencontrée lors de vacances à vélo parce que n'ayant plus d'eau, nous avons frappé à sa porte, qu'elle nous a accueillis, ma femme et moi, et nous a raconté sa vie, on y a passé l'après-midi, et à toutes ces rencontres étonnantes que j'ai faites au hasard de mes pérégrinations, en France ou à l'étranger.
Ne nous laissons pas embobiner par ces prétendues invitations "spéciales seniors" et trouvons par nous-mêmes ce que l'on désire : les rencontres "en vrai", en faisant confiance au hasard, au pouvoir du regard, de la parole, du toucher aussi (chaque fois que j'allais la voir, ma mère, à 88 ans, me disait : "serre-moi fort dans tes bras, tu sais, je n'ai plus personne qui me touche !"), de la musique et de la littérature (le plaisir de lire à haute voix à ceux qui ne peuvent plus lire, ce qui était le cas de ma mère, atteinte de DMLA, ou qui est le cas des tout-petits ne sachant pas encore lire).
Ayons l'âme enchantée, pour reprendre l'expression du beau titre de Romain Rolland. Le monde sera meilleur... 


Et, si j'ai repris en exergue le beau vers de Marcelle Delpastre (tiré de Montaigne, d'ailleurs), c'est parce que s'enseigner à mourir, c'est s'enseigner à vivre, tout simplement. 
 

mardi 18 avril 2017

18 avril 2017 : aux urnes, citoyens !


Les réformes qui viennent d’en haut s’annulent dans les sphères inférieures grâce aux vices de tous, au désir avide des fonctionnaires de s’enrichir en peu de temps et à l’ignorance du peuple qui consent à tout.
(José Rizal, Au pays des moines, trad. Henri Lucas et Ramon Sempau, Stock, 1899)

Il faut bien céder aux sirènes, et parler un peu politique, puisque tout le monde en parle. 
  
Un des slogans les plus virulents (et pertinents ?) de mai 68
Affiche trouvée sur internet
 
Enfin, on parle d’élire un président, ce qui a peu à voir avec la vraie politique, qui est celle d’assurer le bien commun à l’ensemble de la population en place, d’accueillir ceux qui fuient leurs pays pour tout un tas de raisons (guerres, dictatures, famines, etc.) dont la plupart relèvent de nos fautes politiques, puisque au lieu d’aider au développement réel de ces pays, nous nous servons outrageusement de leurs matières premières, nous leur imposons des cultures d’exportation au détriment des cultures vivrières, nous fourguons nos surplus d’armes à leurs dirigeants et nous formons leurs policiers à les réprimer sauvagement. La vraie politique n’est pas non plus de distribuer des légions d’honneur à des roitelets à qui nous vendons des armes dont, hélas, ils se servent, aussi bien contre leur propre peuple que contre les peuples voisins.
Ah ! Elle est belle, notre démocratie, et en plus, on voudrait l’exporter ! Déjà, chez nous les élections sont des mascarades éhontées, pas tellement chez les petits candidats d’ailleurs, mais chez les prétendus gros, ceux dont on parle sans arrêt, et tant pis si les petits aussi disent des vérités, si Poutou, lors du débat à onze, a montré que le roi était nu, à tel point que les autres "grands" n’ont plus voulu d’un second débat à onze, que j’attendais avec impatience, étant dans l’avion lors du premier !
Je fais tout à fait confiance aux journalistes, à leur mauvaise foi, et aussi au fait qu’ils sont payés grassement (pas envie de perdre leur emploi) par les gros pontes qui contrôlent la presse et les médias, et à leurs questions vicieuses pour que les prestations des petits candidats soient rendues ridicules (certains le sont sans qu’on les pousse beaucoup). On verra ce qu’il en est avec les gros candidats, qu’ils vont forcément prendre avec plus de pincettes. Sauf peut-être Mélenchon, devenu la bête noire de toute une presse aux ordres, depuis que les sondages (alors, ceux-là, oui, seraient à prendre avec des pincettes, ils sont calculés pour fabriquer l’opinion, et non pas pour la refléter) le donnent presque au second tour ! Et alors, pourquoi pas ? ? ? 

 
Pour ma part, j’ai lu cet hiver des bouquins de Mélenchon : j'ai dévoré Le hareng de Bismarck, son pamphlet anti-européen et anti-allemand, formidablement documenté, et son libre biographique d’entretiens Le choix de l’insoumission, où il raconte son parcours. Et bien sûr, L’avenir en commun, le livre-programme du candidat Mélenchon, rédigé par plusieurs dizaines de personnes au cours de multiples réunions. Je viens cet après-midi d’acheter son nouveau livre (un titre à la Sénèque), De la vertu, et ai été ravi de voir derrière moi un tout jeune homme qui achetait L’avenir en commun. J’avais peur qu’il n’y ait que des vieux cons dans mon genre qui votent Mélenchon, mais non, il attire aussi des jeunes. Faut dire que ses meetings sur youtube font un tabac ! Ça risque d’ailleurs d’être mon dernier vote. Car, s’il ne passe pas au premier tour, je compte bien mettre un second bulletin Mélenchon au deuxième tour, même si ce sera considéré comme nul. Je n’ai pas envie de voter blanc, mais de voter selon mon cœur ! J’en ai marre aussi de voter contre ! 

 
Et Mélenchon a raison, cette monarchie présidentielle est à bout de souffle, elle nécessiterait une refonte complète. Après, je serai trop vieux, je considère que c’est aux jeunes de décider de leur avenir ; moi, je n’en ai plus, ou si peu ! Ah ! s’il était élu, ça changerait tout, il me redonnerait goût à la vie politique...
Mais voici mes pronostics (en l’absence de tout attentat avant le premier tour, car sinon, Le Pen aura un boulevard ouvert devant elle et pourra dire « merci » aux islamistes) :
optimiste : 1 Mélenchon 2 Macron
pessimiste : 1 : Le Pen 2 : Fillon
Car les mis en examen n’ont pas dit leur dernier mot, loin de là. La corruption a atteint un tel niveau, et hélas, les admirateurs de nos deux tourtereaux les admirent justement parce qu’ils ont fait ce qu’ils ont fait – et ce qu’ils voudraient bien faire, eux aussi. Ils se contentent de jouer au loto et de perdre.
C’était mon jour sans illusion et mon côté anar ! Et de vérité : je ne vois pas pourquoi je cacherai pour qui je voterai ! Le secret des urnes a bon dos... Y en a qui ont honte de voter Le Pen et qui ne le disent pas, même aux instituts de sondage, ce pourquoi elle fait toujours des scores meilleurs...

lundi 17 avril 2017

17 avril 2017 : Guadeloupe : choses dues


Pour se libérer, il faut se savoir esclave.
(Alexandre Jollien, Le philosophe nu, Seuil, 2010)

Pour en finir avec ce que je dois à la Guadeloupe, il faut que je remonte en arrière, au temps de mon séjour 1981-1984.


Il faut savoir – et c’est un aveu bien tardif de ma part, mais Claire en était très consciente, qu'à trente ans j’avais honte de mon corps, malingre et moche, surtout quand je me comparais aux autres hommes, censés être plus beaux, plus musclés, plus forts, plus attrayants. Or, en lisant le livre d’Alexandre Jollien, les choses me sont revenues à l’esprit, et je peux bien l'avouer aujourd'hui. L’auteur, philosophe suisse, est né infirme cérébral moteur, par suite d’un étranglement du cordon ombilical. Il a passé toute son enfance et sa jeunesse dans un institut spécialisé pour handicapés. Il lui en est resté une jalousie envers ses frères humains mâles mieux lotis que lui sur le plan corporel. Un peu comme moi, dans une moindre mesure, évidemment. Mais cette lecture m’a rappelé le long combat que j’ai mené – et dont personne n’a rien su, dans ma famille, sauf Claire, pour me réconcilier avec mon corps.
Ce fut d’abord - bien avant de connaître Claire - par une pratique assidue du vélo, puisque mes premières randonnées remontent à 1966-67, avant de culminer l'été 73 dans le trajet Grenoble-Angers, par Briançon et le col d’Allos (2247 m quand même), Manosque, Fontaine-de-Vaucluse, Aubenas, Le Puy en Velay, Clermont-Ferrand, Montluçon, Tours, pas mal de montagne et de plaine, des rencontres fabuleuses aussi en auberges de jeunesse, et l’envie de réitérer. Ce fut ensuite, à la suite de ma rencontre avec Peter l’Écossais, qui m’a convaincu que j’avais le gabarit d’un coureur à pied, et que je pouvais lui servir de lièvre pour ses footings, la découverte des courses de longue distance, semi-marathons, marathons, 100 km. Sans abandonner le vélo, je me délestais de mes soucis en m’entraînant tous les jours en rentrant du boulot. C’est alors que je connus Claire, et peut-être que mes randonnées cyclistes et mes courses pédestres n’ont pas été pour rien dans notre accointance.

Et je jouais les Tarzan en Guadeloupe sur la plage ! (excusez le flou de l'image)

Quand nous sommes arrivés en Guadeloupe, je travaillais tout de suite : le temps que Claire nous trouve un logement, nous restâmes un mois à l’hôtel. Elle en profita pour explorer les fonds et les bas-fonds de Basse-Terre et me dénicha un club de remise en forme (haltères, musculation) où elle m’accompagna lors des premières séances. J’avais tout de suite vu que les pentes de la Soufrière excluaient la course à pied (je fis un peu de footing toutefois, ce qui me fit rencontrer Gilbert Laumord), sauf en bord de mer, entre Basse-Terre et Vieux Fort, paradis des joggers, encore aujourd’hui, comme j’ai pu le constater. Elles me semblaient aussi exclure le vélo, jusqu’au jour, où prenant mon courage à deux mains, je descendis de Saint-Claude (au lieu du minibus habituel) avec mon vélo (que j'avais emporté). Certes, ce fut facile, quoique acrobatique : 10 % de moyenne tout de même. Le retour fut dur : je dus poser pied à terre vingt-et-une fois !

voilà le corps parfait auquel j'aurais voulu ressembler 
Je dis à Claire : « Je ne recommencerai pas ». « Si, demain », répondit-elle. Le lendemain, je réussis à grimper mes 6 km jusqu’à 600 m d’altitude sans fléchir ! Fruit sans doute aussi de mes deux ou trois séances hebdomadaires de musculation qui, à défaut de me bâtir le corps du Discobole de Myron, contribuaient quand même à me muscler ici et là, et notamment les bras, les épaules et la poitrine, qui avaient toujours été mes points faibles. Ah, j’entends encore Papa me dire : « Toi, avec tes épaules en bouteille de Saint-Galmier !... » Il avait le chic pour nous dévaloriser. C’est un peu pour lui montrer que j’étais capable d’exploits autres que scolaires (en fait, ils admirait en secret que nous réussissions des études supérieures, mais jamais il ne nous l’a dit), que j’avais fait en 67 une de mes premières randos : Mont-de-Marsan – Biarritz, où mon copain de fac m’avait invité pour fêter notre licence.
Bref, ce que je dois à la Guadeloupe, c’est de ne plus avoir eu honte de mon corps. D’abord parce que les Guadeloupéens ne semblent pas en montrer et n’ont sans doute pas honte du leur, même quand il est difforme et qu'ils ont du bide à trente ans. Ensuite, parce que j'ai compris que le corps n’a pas l’importance capitale que je lui attribuais... Ils m’ont appris aussi qu’il fallait avoir une autre notion du temps que celle qui a cours en Occident (« pourquoi se presser, puisqu’on va tous vers le cimetière !», et les vieux aiment dire : « Je suis dans la salle d’attente », façon somme toute assez élégante d’affronter la mort qui vient), où nous vivons une vie de dingues, ou presque. J’y ai découvert la lenteur aussi, dans tous les domaines, y compris la lenteur pour lire : à quoi bon lire toutes ces nouveautés éphémères dont plus personne ne parlera dans un an  ?


J’y ai appris à visiter des cultures littéraires qui m’étaient presque totalement inconnues : bien sûr, la littérature antillaise francophone (nous avons commencé, pour nous mettre dans l’ambiance, Claire et moi, par La Rue Cases-nègres, de Joseph Zobel, dont nous avons lu ensuite toute l’œuvre), anglophone, hispanophone, mais aussi les littératures de l’Afrique noire (je crois que je n’avais jusqu’alors, malgré ma curiosité insatiable pour les littératures étrangères, lu qu’un seul roman africain, L’enfant noir, du Guinéen Camara Laye) que j’ai découvertes avec curiosité et bientôt grand intérêt (je me souviens, entre autres, du choc produit par Le monde s’effondre du Nigérian Chinua Achebe, Les bouts de bois de Dieu du Sénégalais Ousmane Sembène et L’aventure ambiguë, du Sénégalais Cheikh Hamidou Kane), et aussi des littératures latino-américaines.
C’est que les lecteurs guadeloupéens de la bibliothèque s’intéressaient fort peu aux écrivains français ou européens ou même nord-américains (sauf les Afro-Américains). Ils s’intéressaient à leurs origines : l’Afrique noire donc d’abord. Et à leur proximité immédiate, qui était l’Amérique du sud, bien sûr. Garcia Marquez faisait un tabac là-bas, ou Vargas Llosa, bien avant qu’ils n’obtiennent le prix Nobel ! Je dois donc à la Guadeloupe cette ouverture vers des continents littéraires largement ignorés de moi, alors que je me croyais un grand lecteur.

Le bébé entre les parents ravis (Photo C. Mehring)
Et je me dis aussi que je dois à la Guadeloupe d’avoir été capable d’assister Claire pendant ses cinq années de maladie puis d’agonie. À plusieurs reprises pendant ce temps-là, nous avons évoqué notre séjour là-bas, la grossesse, ce beau ventre que j’aimais caresser, la naissance de Mathieu, ses réveils nocturnes, ses premiers pas à quatre pattes, le hamac qu’elle avait fabriqué et qu’on accrochait au carbet de la plage de Rocroy, puis ses galopades dès qu’il a su marcher, et qu’il n’a plus voulu rapidement rester dans la poussette, enfin les marionnettes qu’elle y avait fabriquées et habillées, notre rencontre avec Gilbert Laumord, le comédien qui, séduit par ces figurines, lui proposa de monter un spectacle, dont ils inventèrent le scénario et les dialogues, et qui fut joué deux fois à Basse-Terre... Et l’amitié d’Yvon qui, averti par mail de son décès, m’a téléphoné immédiatement pour me dire : « Jean-Pierre, tu comprends bien qu’on n’a pas le temps de venir, mais toi, tu viens quand tu veux ! »

La vieille dame, notre voisine, avait remarqué que Mathieu admirait ses poussins ; 
elle nous en adonné un, qu'on a gardé quelques jours !
Bref, je ne sais pas si j’ai rendu à la Guadeloupe ce que je lui dois ! Mais je sais que j’ai plus de joie intérieure depuis mon passage là-bas.
Merci donc les amis d'outre-mer...


samedi 15 avril 2017

15 avril 2017 : Guadeloupe 2017 : choses lues


« La nature est le plus grand et le plus merveilleux des temples du Seigneur, surtout par temps sec », assura-t-elle.
(Arto Paasilinna, Le cantique de l’apocalypse joyeuse, trad. Anne Colin du Terrail, Denoël, 2008)

fruits de Guadeloupe : mangues, bananes-figues, goyaves

Il n’est pour moi pas de vacances sans lectures ; on me dira que je lis tout le temps. Certes, mais la période de vacance (au singulier) est une période particulière, où souvent je suis déconnecté de toute la machinerie moderne encombrante, énervante et décérébrante (téléphone, télévision, internet, radio), et où, de ce fait, je suis extrêmement concentré et apte à lire des livres ardus, en tout cas de ceux qui nécessitent, justement, de la concentration. C’est pour cela que j’emporte en vacances ma liseuse, avec tous les grands classiques de l’humanité enregistrés, et quelques livres-papier triés sur le volet. Par ailleurs, je sais que souvent je suis hébergé chez des amis où je trouverai des livres auxquels je n’ai pas pensés.


J’avais emporté : Cent poèmes de Aimé Césaire (Omnibus, 2009), une anthologie composée par Daniel Maximin, que j’avais eu le plaisir d’accueillir et de présenter à La Bibliothèque départementale lors de mon séjour, sans doute en 1982 ou 83, Le Chasseur d’ombres et autres psaumes, poèmes de Marcelle Delpastre, La chambre des morts de Franck Thilliez, un polar que j’avais acheté il y a quelques années et jamais lu, Les poissons ne ferment pas les yeux, émouvant roman de l’Italien Erri De Luca, un auteur qui ne m’a jamais déçu et un volume de Pléiade de Virginia Woolf, contenant les deux romans (Orlando et Les vagues) que je n’avais pas encore lus de cet écrivain, un de mes préférés aujourd’hui... Bien sûr, j’ai tout lu, j’ai donné à Frédéric et Mathilde le volume de Césaire (Yvon et Michelle le possédaient déjà) et à Yvon et Michelle les livres de Thilliez et De Luca, ce qui a allégé ma valise pour pouvoir rapporter du rhum !


Inutile de dire que Césaire est un des plus grands poètes de langue française du XXème siècle, que sa lecture reste difficile (il est issu du surréalisme), mais fertile, surtout pour un apprenti poète comme moi. J’ai enfin achevé le magnifique recueil de Marcelle Delpastre (commencé sur le cargo en 2015), pas difficile à lire, mais qui nécessite, comme toute bonne poésie, de ne pas être dérangé dans le fil de la lecture. Le polar de Thilliez est particulièrement saignant, si j’ose dire. Le court roman d’Erri De Luca raconte le premier amour d’un enfant de dix ans dans l’Italie des années 50 : c’est frais, c’est subtil, ça sonne juste, surtout pour moi qui ai connu mon premier amour à cet âge-là. Quant aux deux romans de Virginia Woolf, qui sont deux romans expérimentaux de la carrière la plus fructueuse de l’auteur, ils m’ont sidéré : la manière dont elle joue avec l’espace et le temps dans les deux romans, avec l’identité et le genre dans Orlando, sont la marque géniale d’une femme au plus haut de sa capacité : chapeau !


Bien sûr, j’ai aussi trouvé des livres sur place : d’abord, chez Frédéric, la biographie Aimé Césaire, le nègre universel, de David Alliot, ouvrage paru en Suisse en 2008, comme une sorte de tombeau du poète, mort cette année-là. C’est un très beau livre, qui se lit presque d’une traite, et qui montre un homme d’une grande valeur. Puis chez Yvon, j'ai déniché deux livres de Pagnol, que je n’avais jamais lus : Les marchands de gloire, sa première pièce de théâtre, qui fustige les profiteurs de guerre (14-18) et de l’après-guerre, et Jofroi, le texte de son film écrit d’après une nouvelle de Giono. C’était tout à fait rafraîchissant ! J’ai trouvé aussi un roman du Finlandais Arto Paasilinna, Le cantique de l’apocalypse joyeuse, qui dresse le portrait d’une utopie finlandaise après le déclenchement d’une nouvelle guerre mondiale ; encore une lecture roborative, quoiqu'un brin inquiétante ! Et puis, le livre de Pierre Michon, que je voulais lire depuis des années, son fameuses Vies minuscules, où il célèbre les petites gens de la campagne : je me suis régalé.


Sur ma liseuse, j’ai lu un roman philippin de la fin du 19ème siècle : Au pays des moines (titre original Noli me tangere = Ne me touche pas) de José Rizal, une dénonciation de l’emprise des moines et notamment des Jésuites (mais pas que) sur l’archipel philippin dans les années 1860-1880. Un roman réaliste d’une belle venue, de la part d’un auteur qui finira fusillé par les autorités locales à 35 ans ! J’ai lu aussi le reportage saisissant d’Albert Londres sur la Guyane française des années 20 et le bagne : Adieu, Cayenne raconte l’évasion sensationnelle au Brésil d’un des innocents condamnés au bagne, le fameux Eugène Dieudonné, anarchiste français : là aussi, un régal. Vraiment, Albert Londres avait le sens de la formule et du récit, et la plupart des journalistes actuels écrivant peuvent aller se rhabiller ! Enfin, toujours sur ma liseuse, j’ai lu Attila, du Québécois Napoléon Legendre, un roman patriotique et rural qui fait fait penser aux romans d’Erckmann-Chatrian : il y a de plus mauvais modèles, et j’y ai pris un grand plaisir !


On me dira qu’il y a bien d’autres choses choses à faire en vacances que de lire. Sans doute. Mais d’abord, partout où je vais, j’emporte de la lecture, car je suis avant tout un lecteur, et un amateur de littérature. Ensuite, cela ne m’empêche pas de me promener, de converser avec les gens, d’observer les plantes, les animaux, les collines et les montagnes, le ciel et la mer, et aussi de me livrer de temps à autre à l’oisiveté la plus totale. Car c’est dans l’oisiveté que se nichent le rêve, l’inspiration, l’imagination et en fin de compte peut-être bien la joie la plus pure, celle qui naît de rien ou presque, le vent qui passe, l’oiseau qui chante, le lézard qui vient nous rendre visite, la fleur qu’on n’avait pas encore vue, la forme d'un nuage, une pluie tropicale soudaine... Tant d’instants de bonheur à savourer, tant que je le peux encore !

le sucrier, un oiseau de là-bas

Au prochain voyage...

vendredi 14 avril 2017

14 avril 2017 : Guadeloupe 2017 : choses nues


ces yeux braqués sur un texto, qui ignorent le monde et toute la beauté qui environne ce malheureux message !
(Alexandre Jollien, Le philosophe nu, Seuil, 2010)


Ce qui m’a probablement le plus frappé lors de mon séjour en Guadeloupe – le précédent remontant à sept ans auparavant, et, à l'époque, ce n’était pas le cas –, c’est la connexion généralisée. Pas un coin de rue, pas un trottoir, pas une place, pas un bord de mer, pas une file d’attente dans les supermarchés, pas un caissier ou une caissière en attente de client, pas un bistrot, pas un restaurant même, où l’on ne pouvait observer chacun occupé par sa petite machine qui remplissait sa main, au cas où, sans doute, un message important lui aurait échappé dans l’instant ! Sur la plage, à peine sortis de l’eau, tous se précipitaient sur leur engin. Mêmes remarques que je faisais à Venise ces dernières années. Bien sûr, c’est sans doute la même chose à Bordeaux, mais je m’en aperçois moins, circulant principalement à vélo.

Cannelle, l'autre chat, qui choisit bien son endroit pour bénéficier d'ombre et de ... fraîcheur

À ce titre, en tout cas, moi qui n’ai pas de smartphone, je me sentais nu, même si j’avais l’avantage de regarder autour de moi, de voir les affiches, les sculptures, les arbres, les fleurs et les animaux, les maisons et les églises, la circulation, le volcan, la mer, la vie, quoi, qui se déroulaient sous mes yeux ébahis de voir les êtres humains obnubilés par leurs étranges petites machines qu’ils ou elles manipulaient, je dois dire, avec infiniment de dextérité. Mais je ne les enviais pas ; j’aurais aimé leur parler un peu plus. Heureusement, j’ai pris plusieurs fois les bus. J’ai toujours su que le collectif est un bon moyen d’entrer en contact avec les autres. Et là, je n’ai pas été déçu, tant aux arrêts de bus qu’à l’intérieur, où j’ai pu un peu discuter. 

encore un anoli qui choisit la proximité de ma douche 
 
Bien sûr, mes amis possèdent ce genre d’appareil, ce qui leur fait un budget d’abonnement électronique important (Car inutile de dire que c'est plus cher qu'en France !). Ils en ont les moyens, mais je me posais la question, sachant que la majorité de la population rame un peu sur le plan financier, même si la manne touristique commence à apporter quelque revenu complémentaire. Mais mes amis n’en abusent pas, il est vrai qu’ils sont de mon âge. Et, heureusement, j'ai pu discuter longuement avec eux, ainsi qu'avec leur fils et leur belle-fille et leurs cousins de Corrèze, et leurs amis Solange et Alfredo. On a beaucoup discuté politique (le voleur Fillon en a pris pour son grade !), religion (c'est la grande affaire ici, où de multiples religions sont présentes, les évangéliques ou les adventistes du septième jour semblant avoir supplanté les catholiques d'antan), agriculture et environnement...

les ruines de la tour du père Labat à Baillif, au bord de la mer
 
Évidemment, on se sent plus nu en Guadeloupe qu’en métropole. Avec un climat aux températures dépassant généralement 27° quasiment tous les jours (et plus de 30 ou 35 au soleil) on se vêt très légèrement : un t-shirt, un short ou bermuda, des nu-pieds suffisent à nous couvrir. Il est très rare d’avoir à enfiler une veste.

  
Je l’ai fait toutefois pour aller au Festival de cinéma Terrafestival, qui en était à sa quatorzième édition. J’avais peur que la salle soit trop climatisée. Heureusement non. Nous y sommes allés avec Frédéric et Mathilde, puisqu’il s’agit d’un festival de films documentaires sur l’environnement et qu'en tant qu'agriculteurs, ils sont concernés. Dans la très belle salle communale de Gourbeyre (à 22 km de Saint-Robert, le lieu-dit de Baillf où habitent mes amis, mais avec une route qui tourne énormément, toute en descentes et en montées, compter plutôt 40 mn de route), nous avons assisté à deux soirées.

Josélie, héroïne de À la racine

La première était consacrée à trois courts et moyens métrages : Ma santé mon environnement, un très court métrage d’animation produit par l’IREPS (Instance Régionale d’Éducation et de Promotion de la Santé), qui soulignait de manière ludique les diverses causes de l’apparition d’une maladie chez un individu (alimentation, mode de vie, stress, pollution, etc.). À la racine (documentaire de la Guadeloupéenne Katia Café-Fébrissy, présente à la soirée) racontait la manière dont Josélie, héritant de son père d’une terre contaminée par la chlordécone, décide de la faire revivre. Film sympathique mais qui nous a laissés sur des sentiments mitigés. Pesticides, le poison de la terre, de Aude Rouaux, raconte le drame des vignobles charentais et girondins où les habitants du cru sont directement touchés par l’exposition aux pesticides, y compris les enfants des écoles. Le sujet semble rester un tabou dans le monde agricole. J’ai signé cette année une pétition pour interdire l’usage de ces pesticides à proximité des écoles. Mais le film, terrifiant, montre qu’il faudrait en interdire totalement l’usage ! Et qui, en tout cas, vous dégoûte de boire du vin !


Trois jours après, nous sommes allés, cette fois en emmenant avec nous Michelle et Yvon, voir le film de long métrage de Marie-Monique Robin, Qu’est-ce qu’on attend ? (passé à l’Utopia en fin d’année dernière et raté), qui nous démontre qu’on peut changer les choses, pour peu que la politique s’en mêle. La petite ville d’Ungersheim, en Alsace, est ainsi devenu la première ville engagée dans la démarche de la transition vers l’après-pétrole, sous l’impulsion d’un maire intelligent (oui, ça existe), écolo, végétarien, qui a lancé un vaste programme de démocratie participative, créé la plus grande centrale photovoltaïque d’Alsace, un grand jardin collectif bio, un écomusée, construit un quartier de maisons passives, etc... Cent emplois ont été créés, les frais de fonctionnement de la ville ont été réduits et le bilan carbone notablement amélioré.

la statue de Gerty Archimède, à Basse-Terre : première femme députée noire !

Ce film formidable m’a donné très envie d’aller voir ce gros village lors de mon prochain passage en Alsace ! Je me suis dit : « Quand même, on peut faire quelque chose, nom de Dieu ! » Je me suis soudain senti un peu moins nu ! Un peu moins nul aussi ! Et j’ai repensé aux paroles d’Alexandre Jollien, ce philosophe handicapé qui doit se battre pour survivre : "De même que je suis déjà nu sous mes vêtements, de même la joie est là, dissimulée sous l’épaisse brume des passions tristes, des désirs artificiels et des peurs."
À suivre...