vendredi 30 juin 2017

30 juin 2017 : La "Divine comédie" des cyclothécaires : livre premier : L'Enfer


Vous qui entrez, laissez toute espérance
(Dante Alighieri, La Divine comédie, L’Enfer, III)


gare de Genève : l'arrivée
 
Bien entendu, il ne me viendrait pas à l’esprit de comparer la partie "enfer" de notre périple à l’enfer que vivent les coureurs cyclistes lors des grands tours, ni à celui que vivent les migrants qui tentent de traverser la Méditerranée au péril de leur vie, ni à celui que vivent en permanence les exploités, humiliés et offensés de toute sorte qui pullulent de par le monde, ni à celui des enfants-soldats, des fanatisés prêts à se faire sauter, ni à celui des Gazaouis enfermés dans leur immense camp de concentration, encore moins à celui de ceux qui vivent dans la hantise des bombardements ; ne serait-ce que parce que sur les routes qui bordaient le Léman ou nous en éloignaient de temps à autre, nous n’avons jamais perdu l’espérance que Dante signale à ceux qui sont entrés en Enfer.
Mais il me plaît assez de découper mon compte rendu du tour du Léman à vélo en trois parties, comme sa Divine comédie. Commençons donc par ce qui s’apparente à l’enfer, à mes yeux en tout cas.

l'accueil à l'Auberge de jeunesse de Genève
 
« L’enfer, c’est les autres », dit Garcin dans Huis clos de Sartre. Pour un cycliste sur route, l’enfer, c’est les automobilistes (inversement, il est très probable que pour un automobiliste, l’enfer, c’est le cycliste). Or, la Suisse (et la Savoie n’est pas en reste) étant le paradis des automobiles, des grosses cylindrées, des m’as-tu vu qui plastronnent au volant, et comme nous avons pris parfois des routes importantes, que notre peloton de soixante-dix cyclothécaires était forcément gênant, j’avoue avoir eu parfois peur. Heureusement, à deux ou trois reprises, nous avons été escortés par la police qui nous frayait le passage, notamment lors de l’arrivée à Lausanne.

pause baignade pour les amateurs (Vevey)

Une autre forme d’enfer, quand on circule à vélo, c’est la grosse chaleur, et je dois dire que nous avons été gâtés, de ce côté-là. Remarquez que, quand je vois la pluie qui tombe depuis mon retour sur Bordeaux, je me dis que je préfère encore le soleil. Mais enfin, nous eûmes soif, envie d’ombre, de fraîcheur, et sans être vraiment sur des routes de montagne, nous nous sommes suffisamment écartés du bord du lac pour avoir quelques longs faux-plats et quelques bosses parfois assez raides, quoique brèves. J’eus beau me mettre en tête du peloton (assez rarement) ou au milieu, je finissais souvent bon dernier, juste avant le serre-file, au sommet des côtes ou à l’arrivée de l'étape. 

devant la Fondation Bodmer (Genève)
 
Un autre aspect qui me rappelait, vaguement, l’enfer, c’est justement le pédalage en groupe. En règle générale, je ne collais jamais au (à la) cycliste juste devant moi, craignant mes réflexes trop lents (l'âge, ma bonne dame) en cas de coup de frein brutal. Résultat, peu à peu, je perdais du terrain, les autres derrière moi me dépassaient, et au bout du compte, je ne parvenais presque jamais à recoller, ainsi pour l’arrivée à Saint-Maurice, après pourtant un superbe parcours le long du Rhône, sur une piste cyclable épatante. De plus, impossible de s’arrêter si le groupe ne s’arrêtait pas. Or, je ne sais pas boire en roulant. J’ai donc eu quelques moments difficiles.

la femme sirène de Marguerite Peltzer (Musée du Chablais)
 
L’enfer, ce fut aussi un programme de visites surchargé, minuté et chronométré, qui laissait rarement le temps de souffler. Je crois avoir souffert autant des nombreuses visites de bibliothèques (surtout) et de quelques musées, d’y avoir piétiné ou au contraire de les avoir parcourus au pas de course, et d’y avoir regretté mon cher vélo, qui au moins, me transportait, lui !

hostellerie du château de Bossay 

Enfin, si nous eûmes des nuits agréables, notamment dans les hostelleries religieuses (n’en déplaise aux laïcs !), il y eut aussi les chambrées de 5 ou 6 en auberges de jeunesse qui sans doute m’ont rappelé mon jeune temps (et le voyage en Suède de 2004), mais où les ronfleurs ont pu déranger ceux qui n’avaient pas eu la précaution d’emporter des bouchons auriculaires. J’en étais cependant suffisamment pourvu pour très bien dormir et ne pas les entendre. Mais les commentaires au petit déjeuner étaient édifiants. Avis aux amateurs : l’enfer est rempli de ronfleurs, bien que Dante n’en ait pas dit un mot !

pieds du cyclothécaire en fin d'étape, heureux de sortir des chaussures et de de se rafraîchir sur l'herbe



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