mardi 12 septembre 2017

12 septembre 2017 : la Mostra de Venise 2017


La plupart des gens libres acceptent de remettre, pour de bien faibles avantages, leur vie et leur personne à la discrétion d'autrui.
(Montaigne, Les Essais, II, 12, Apologie de Raymond Sebond)


Bien entendu, j’ai vu à Venise des films, puisque j’y étais allé pour la Mostra, le fameux festival de cinéma, dont c’était la 74e édition cette année. Fût-ce une bonne cuvée ? Je n’en sais bigrement rien, car sur la centaine de films projetés, je n’en ai vu que 20 %. Je n’ai notamment pas vu la plupart des films primés. Et, dans l'ensemble, ce n'était pas très gai. Beaucoup de films sur les adolescents à la dérive, par exemple.
Essayons de dire un mot de ceux qui m’ont marqué (en bien pour la plupart, en mal pour le dernier).


D’abord, les films italiens ; j’en ai vu quatre. Trois comédies et un mélodrame. Parmi les comédies, Brutti e cattivi [Brutes et mauvais], de Cosimo Gomez, m’a frappé par sa virulence, c’est Affreux, sales et méchants transportés dans le monde de Freaks. Quatre de ces freaks, un homme en fauteuil roulant sans jambes (chef du groupe), sa femme qui n’a pas de bras, leur ami rasta complètement défoncé et un nain lubrique, décident de réaliser un hold-up, qu’ils réussissent d’ailleurs : une mallette contenant 4 millions d’euros leur échoit. C’est après que tout se complique. Chacun voudrait avoir l’argent pour soi tout seul, donc ils finissent par s’entretuer, aidés, il faut le dire, par la mafia chinoise à qui appartenait la mallette. Je n’en dis pas plus. Pour ceux qui aiment le grotesque et le sublime, voilà un objet filmique qui devrait faire un tabac, si jamais il sort en France. Fort bien joué et réalisé, sans un temps mort... Évidemment, faut aimer le thème. J’étais plié. 
 La vita in commune [La vie dans une commune] d’Edoardo Winspeare, est une sorte de Clochemerle à l’italienne, avec des personnages déjantés et un maire dépassé par les événements dans ce village perché sur une commune en bord de mer. Bien aimé aussi. Happy winter, de Giovanni Totaro [les Italiens aussi succombent à l’américanisation des titres !], est une sorte de Camping à l’italienne. Les vacanciers italiens sont aussi abrutis que les Français. Quant au mélo, histoire d’amour contrarié entre une ostéopathe aveugle trentenaire et un publicitaire quadragénaire et volage qui, pour la première fois de sa vie, tombe vraiment amoureux, Emma, de Silvio Soldini, c’est un très beau film que le Gide de La symphonie pastorale n’aurait pas renié.

Films français : Mektoub, my love, chant 1, d’Abdellatif Kechiche, se laisse voir sans ennui, mais sans enthousiasme non plus. Ces histoires d’hommes, souvent machos, qui tournent autour de femmes du côté de Sète, avec un héros jeune et timide qui les observe, tourne un peu en rond (et pendant 3 h 15 !). Film ambitieux, mais qui m'a paru moins réussi que les précédents.


J’ai beaucoup plus apprécié le film nettement plus modeste de Rachid Hami, La mélodie, qui conte le combat des professeurs créant une classe de violon dans un collège de banlieue. C’est sans doute le seul film qui m’a tiré des larmes, mélange de comédie (avec tous ces jeunes collégiens d’environ 13/14 ans) et de finesse (Kad Merad parfait en prof de violon) : ou comment tirer des élèves perdus vers le haut ! Les bienheureux est un film franco-algérien de Sofia Djama, avec Sami Bouajila. Le titre doit être pris à contrepied, car en fait, il montre l’impossibilité de s’en sortir dans une Algérie gangrenée par la corruption et les passe-droits. Espèces menacées, de Gilles Bourdos est un film assez marrant sur les amours des jeunes déplaisant à leurs parents. Grégory Gadebois est magnifique dans un des rôles de père. Ce même acteur est encore plus époustouflant dans le rôle d’un prolo (on dirait que le rôle a été écrit par Emmanuel Macron !) père d’un homosexuel dans Marvin, le nouveau et superbe film d’Anne Fontaine.
Film suisse de langue française et allemande, Sarah joue un loup-garou, de Katharina Wyss, conte l’histoire de Sarah, jeune lycéenne complètement étouffée par un père qui sait tout et une mère trop effacée. Elle espère trouver son salut dans l’atelier-théâtre du lycée. Mais ce n’est pas gagné.
L’excellent film marocain Volubilis, de Faouzy Bensaïdi, a été une des bonnes surprises du festival, et un des films les plus longuement applaudis. C’est un film très dur sur les conflits de classes sociales dans un pays où l’écart entre immensément riches et la majorité de la population est criant ! J’espère qu’ils sortira en France...


L’Anglais Stephen Frears présentait son dernier film, Victoria & Abdul, un biopic des dernières années de la reine Victoria, qui semble retrouver une nouvelle jeunesse grâce à son serviteur indien, qui se moque à juste titre de l’étiquette de la cour royale. Les acteurs sont fabuleux, c'est très drôle. Va sortir en France sous le titre Confident royal au mois d’octobre.
Under the tree, de l'Islandais Hafstein Gunnar Sigurõsson, est une excellente étude sur les mauvaises relations de voisinage dans un quartier de banlieue résidentielle de Reykjavik. Un vrai thriller ! Une fin "gore" !
Deux films argentins : Temporada de caza [saison de chasse], de Natalia Garagiola, déroule dans les magnifiques paysages de Patagonie les affres d’un adolescent mal dans sa peau et violent, placé dans une famille d’accueil qui va lui faire accepter de se confronter à lui-même. Invisible, de Pablo Giorgelli (dont j’avais beaucoup aimé il y a quelques années Les acacias), s’attache à narrer les aventures d’une adolescente de seize ans, enceinte, qui continue à vivre comme si de rien n'était...
No date, no signature, de l’Iranien Valid Jalilvand, raconte la tempête sous un crâne d’un médecin face à une mort accidentelle dont il est peut-être la cause. Filmé en couleurs très proches du noir et blanc, c’est un bon film.


The insult, du Libanais Ziad Doueiri, évoque les traces laissées dans le Liban d’aujourd’hui par les guerres fratricides des années 90. Un des meilleurs films de ceux que j’ai vus. L’acteur principal a obtenu la Coupe Volpi d’interprétation masculine.
Deux films asiatiques : Angels wear white, film chinois de Vivan Qu, nous conte l’histoire d’une jeune fille témoin d’un crime, mais qui est obligée de se taire pour éviter de perdre son emploi. Impressionnant. Le troisième meurtre, du Japonais Hirozaku Kore-Eda, est une sorte de polar, dans lequel un avocat mène l’enquête et s’interroge sur les responsabilités de la justice. Efficace.
Los versos del oblivion [La poésie de l’oubli ?], du Chilien Alireza Khatami, se passe dans une morgue en voie de désaffection et le cimetière qui lui est contigu. Le héros, retraité, mais qui a gardé une clé de la morgue, découvre qu’on y a laissé le cadavre d’une jeune fille : il va s’efforcer, avec la complicité du fossoyeur, de lui offrir une sépulture. Impressionnant, malgré son thème un peu macabre !


Je n’ai vu qu’un seul film restauré, une rareté signée James Whale, un film gothique intitulé The old dark house, datant de 1932, avec Boris Karloff et Charles Laughton. Deux couples anglais perdus dans une nuit de tempête sont contraints de passer la nuit dans une grande maison étrange. Dans le style des films horrifiques de cette époque, il se laisse voir avec gourmandise, pour peu qu’on aime le genre, ce qui est mon cas. Noir et blanc splendide.

Je garde pour la fin le seul film que j’ai trouvé nul, absurde et idiot : Loving Pablo, avec les inénarrables Javier Bardem et Pénélope Cruz, réalisé par l’Espagnol Fernando León de Aranoa. C’est l’histoire du baron de la drogue colombien, Pablo Escobar. Le seul mais énorme défaut du film est qu’il est joué en anglais presque tout le temps, alors qu’il est censé se passer en Colombie. On voit donc les chefs du cartel de la drogue qui discutent le bout de gras en anglais, les députés colombiens qui font leurs discours en anglais à la Chambre des députés, et ainsi de suite. C’est totalement absurde ! À moins qu’on ne nous ait présenté que la version destinée au public US et qu’il existe peut-être une version en espagnol...

Voilà en gros ma Mostra de Venise !

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