jeudi 1 mars 2018

1er mars 2018 : l'énergie en transition


Si nous voulons vraiment prendre les problèmes à la racine, il faudra bien mettre des retenues à notre boulimie d'énergie.
(La Décroissance, mars 2018)


La vague de froid surprend toujours notre monde en folie de dépense d’énergie. Il ne se passe pas de jour qu’on ne nous propose un nouvel appareil électrique censé améliorer notre vie. Pour ma part, j’ai chez moi un aspirateur, un lave-vaisselle, un micro-ondes, une cuisinière à induction, un lave-linge, un téléviseur avec lecteur de dvd, un ordinateur, deux postes de radio, un grille-pain, un mixer, une bouilloire, une cafetière, un sèche-cheveux, un fer à repasser, sans parler des innombrables appareils numériques qui ont besoin de l’électricité pour recharger leur batterie (téléphone portable, liseuse, appareil de photo) etc. Et sans doute j’en oublie. Je n’ai pas encore succombé aux sirènes du smartphone (je vois autour de moi qu’il faut recharger la batterie tous les jours, quand ce n’est pas plusieurs fois par jour, alors que je recharge mon modeste téléphone une fois par semaine), de la machine à café, de la machine à pain, de la crêpière, de la friteuse, du vélo électriques et autres gadgets qu’on nous vante comme indispensables, et dont beaucoup sont largement inutiles.
Quand je pense qu’au début des années 70, je n’avais pas le téléphone, ni la télé, ni machine à laver, que je passais l’eau à la louche ou à la cuillère dans le filtre pour faire mon café, que je vivais dans ce qu’on appelle aujourd’hui la sobriété volontaire... Et que je ne me souviens pas en avoir souffert, loin de là. Je ne dirais pas c’était mieux avant pour autant. Mais je ne prenais dans le progrès que ce qui était effectivement du progrès.

 
Les jeunes du quartier, quand ils me voient passer à vélo, m’ont dit plusieurs fois : « Vous aurez bientôt un vélo électrique, Monsieur ? » Je réponds à chaque fois que mon énergie musculaire me suffit bien et ne nécessite pas de centrales nucléaires (avec tous les risques qu’elles génèrent), tout en me maintenant en bonne santé. Je suis effaré de voir tous ces nouveaux gadgets électriques qui envahissent la ville : trottinettes, monocycles (roues gyroscopiques), sans parler des illuminations imbéciles et sans doute coûteuses en énergie, destinées avant tout à nous faire consommer un peu plus : quel besoin d’éclairer les magasins la nuit ? L’éclairage des rues me semble bien suffisant. En tout cas, avec moi, c’est raté, je ne zyeute pas les vitrines !
On ne pourra jamais fournir toujours davantage d’énergie, c’est mathématique, le monde est petit et nous sommes déjà largement trop nombreux. Tiens, en voilà de piètres consommateurs d’énergie, les SDF. Je ne peux m’empêcher de discuter avec eux et de leur poser la question qui tue : « Mais vous ne dormez quand même pas dehors ? » Les réponses sont variables, le plus souvent : « Sous un pont », « Sous un porche » ou « Dans un squat », mais quelquefois, on me dit : « Si ! » Et l’un de m’expliquer qu’il dort avec son chien dans son duvet, le chien lui servant de bouillotte. Quand on pense qu’il existe aussi des couvertures électriques ! Et qu’on parle maintenant de vêtements connectés...
Et tous ces gens qui pourtant sont hyperconnectés et se retrouvent dans leur voiture bloqués sur l’autoroute dans une tempête de neige ! Notre meilleur des mondes (relisons le bouquin prophétique de Huxley) nous rend de plus en plus aliénés (pour ne pas dire crétinisés) par cette religion de la technologie triomphante et du progrès infini. Progrès qui repose en fait sur l’exploitation éhontée des matières premières du tiers monde : "Relocaliser les mines en France et en Occident pourrait générer deux effets positifs. D’abord, nous prendrions immédiatement conscience, effarés, de ce qu’il en coûte réellement de se proclamer modernes, connectés et écolos", écrit Guillaume Pitron dans un livre édifiant qui vient de paraître, La guerre des métaux rares (Les Liens qui libèrent, 2018). C’est-à-dire que ce progrès autoproclamé génère ici et là des guerres ouvertes ou larvées ; mais ça se passe au loin, chez les prétendus sauvages (moins sauvages, me semble-t-il, que ce bon Français qui a écrit récemment une lettre d’un racisme nauséabond à une députée noire de notre Assemblée nationale). Et ça fait aussi marcher notre économie (c’est-à-dire le capitalisme), toutes ces guerres : au fond, le capitalisme, c’est la guerre !


En attendant, je continue à faire du vélo ou à marcher à pied, à utiliser aussi le collectif chaque fois que je peux : c'est ma transition énergétique à moi. Et je dis bravo aux municipalités qui ont rendu gratuits leurs transports en commun, leurs bibliothèques et parfois d’autres équipements collectifs... Et honte à ceux qui pratiquent l’évasion fiscale et qui sont vraisemblablement, par leurs richesses, parmi les plus grands pollueurs sur terre !
 

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