jeudi 18 avril 2024

18 avril 2024 : À bas les prisons !

 

Ce ne sont pas les prisonniers qui ont besoin d’être réformés, mais les prisons. /

Ce qui est inhumain dans la vie moderne est le fonctionnarisme. L’autorité est aussi destructrice pour ceux qui l’exercent que pour ceux sur qui elle s’exerce.

(Oscar Wilde, Lettre dans le Daily chronical, 28 mai 1897, in De profundis, Le livre de poche, 2000)


Il se trouve que, pendant tous ces jours de déplacement récents (du 6 avril au 15, CR dans un prochain post du blog), j’ai lu les écrits de prison d’Oscar Wilde, d'où les citations en exergue. Et que je viens de recevoir la déclaration du plus vieux prisonnier de politique en France, Georges Ibrahim Abdallah, communiste libanais détenu depuis 1984. Elle est datée du 17 avril dernier, Journée internationale du prisonnier palestinien, dont le nombre s’est accru de façon exponentielle depuis octobre 2023. je vous en livre quelques passages.

Cher·es Camarades, Cher·es Ami·es,
Nombreux sont celles et ceux qui célèbrent ces jours-ci, à travers des initiatives similaires à la vôtre, la Journée du Prisonnier Palestinien en commémorant le Martyr Walid Daqqah. Cette figure emblématique du Résistant Palestinien qui, tout au long des décennies de captivité, n’a pas plié l’échine à aucun moment ni tergiversé d’aucune façon, bravant torture, privation, isolement et maladie et aussi censure de son courrier et de ses écrits.
L’année passée, lors de cette même occasion, Walid était encore debout, dans sa cellule à l’isolement , la volonté inébranlable, bien que privé de tout soin médical nécessaire. Certains parmi vous se souviennent encore, de diverses expressions de l’indéfectible solidarité avec lui et avec les autres Résistantes et Résistants embastillé·es dans les geôles sionistes et surtout se souviennent des exhortations et appels au soutien des initiatives de lutte en cours ces jours-là en vue d’arracher aux griffes des criminels geôliers le Camarade Walid dont l’état de santé était désormais très alarmant. Hélas, toute notre mobilisation n’a pas été suffisante pour avoir raison de l’acharnement des Ben Gvir et de leurs acolytes suprémacistes geôliers et magistrats. La mise à mort par privation de soin médical est désormais à l’ordre du jour dans les diverses geôles sionistes, surtout dans celle du Néguev où sont parqués les kidnappé·es de Gaza.
Peut-être serait-il utile de nous rappeler, Camarades, qu’en 1974, la Conférence Nationale Palestinienne, décrétée le 17 avril «Journée du Prisonnier Palestinien» n’était pas seulement destinée à dénoncer à cette occasion la barbarie de l’occupant sioniste, ni seulement destinée à honorer les Résistant·es captifs en rappelant aux masses populaires leur abnégation et leurs sacrifices ou leur inébranlable volonté de tenir debout face à la soldatesque sioniste. La célébration de cette Journée du Prisonnier est destinée, avant toute autre chose, à affirmer haut et fort nos devoirs envers nos Camarades captifs et en premier lieu, l’inscription de leur libération dans la dynamique globale de nos luttes en cours. […]
Notre Walid s’est éteint debout. Il ne nous quitte pas entièrement ; il demeure en vie, à tout jamais, dans nos cœurs et dans l’esprit des masses populaires et des militant·es engagé·es dans cette épopée de résistance ; il demeure en vie à tout jamais avec toutes celles et ceux qui l’ont précédé ou suivi, tels des flambeaux qui illuminent le cheminement de la Résistance, de la libération, de la liberté et de l’émancipation. [...]
Par ce temps de génocide à Gaza et d’assassinats, de pogroms, de spoliation de terre à grande échelle en Cisjordanie, la mobilisation des masses populaires a du mal à s’attarder ou à s’appuyer sur la situation des protagonistes de la lutte… L’ampleur stupéfiante des massacres rend quasi impossible la compréhension à travers l’histoire des diverses personnifications de la lutte. [...] l’on est devant un génocide qui se déroule devant tout le monde et non pas dans le brouillard des camps secrets ; pour la première fois dans l’histoire de l’Humanité, plusieurs centaines de millions de personnes assistent à un génocide en cours.
Il n’en demeure pas moins, Camarades et Ami·es, c’est dans le cadre global de cette Résistance historique du peuple palestinien que l’on peut mieux saisir l’articulation dynamique des divers facteurs structurant «LA VOLONTÉ COLLECTIVE DE RÉSISTANCE» et la place particulière qu’occupe LE PRISONNIER dans la mémoire collective palestinienne. Tout au long de cette épopée historique et jusqu’à nos jours, le «Résistant prisonnier» à côté du «Martyr» est la figure partagée par la majorité des familles palestiniennes.
Tout naturellement, comme partout, les protagonistes de la lutte révolutionnaire, surtout celles et ceux qui incarnent par leur simple existence, la volonté collective de Résistance, font l’objet de préférence des politiques d’anéantissement que les fascistes de tous bords s’empressent à mettre en œuvre, d’autant plus que l’ambiance génocidaire le permet facilement. [...]
Tout naturellement, les masses populaires palestiniennes, ainsi que leurs avant-gardes combattantes en captivité, peuvent compter et doivent pouvoir compter, sur votre solidarité active. Que mille initiatives solidaires fleurissent en faveur de la Palestine et sa glorieuse Résistance.
La solidarité, toute la solidarité avec les résistants dans les geôles sionistes, et dans les cellules d’isolement au Maroc, en Turquie, en Grèce et aux Philippines et ailleurs de par le monde. La solidarité, toute la solidarité avec les prolétaires des quartiers populaires ! [...]
Le capitalisme n’est plus que barbarie, honneur à toutes celles et ceux qui s’y opposent dans la diversité de leurs expressions ! Ensemble Camarades, et ce n’est qu’ensemble que nous vaincrons ! À vous tous Camarades et Ami·es, mes plus chaleureuses salutations communistes.
Votre Camarade Georges Abdallah
17 avril 2024


P.S : Bien sûr que je suis pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah, et son renvoi au Liban, ce qui devrait être fait depuis longtemps, sans les pressions de pays tiers. Mais gageons que, dès qu'il sera là-bas, il sera assassiné par Israël, spécialiste, avec quelques autres pays, des assassinats des opposants à distance.

jeudi 4 avril 2024

4 avril 2024 : Gaza une fois de plus

Je dois rester dans le « maintenant », me nourrir de chaque instant, de chaque sourire, faire de chaque moment une éternité. Je dois être là. L’après me rattrapera bien un jour.

(Rachid Benzine, Ainsi parlait ma mère, Seuil, 2020)



Je ne sais plus qu’écrire, ni que dire. Je laisse la parole à un docteur, retour de Gaza. Et qui peut encore parler, sans être taxé aussitôt d’antisémite.


https://www.youtube.com/watch?v=7SIJ6ZMswmg&t=197s


Et puis rappeler que certains caricaturistes peuvent être odieux et inhumains. Dessin paru dans Libération, tellement ignoble et révoltant qu’on reste pantois et glacé devant une abjection aussi immonde :

                                               le fameux dessin de Coco

J'ose espérer que ça n'a fait rire qu'elle, sinon ce serait à désespérer de l'humanité !

mercredi 3 avril 2024

3 avril 2024 : le poème du mois, une fable de Karak

 

méfiez-vous de la liberté que vous offre la vie car elle n’est pas grande.

(Stig Dagerman, La dictature du chagrin et autres écrits amers, 1945-1953, trad. Philippe Bouquet, 2009)

J’ai hésité cette fois-ci entre un poème moderne, un poème classique, et une galéjade, ce qu’est cette fable cruelle de Karak publiée sur son blog (http://karak.over-blog.com) que je suis régulièrement, et qui propose le plus souvent des dessins d’humour et d’humeur et quelquefois des textes du même tabac. Comme ma lecture en EHPAD s’est révélée salutaire pour moi, en voyant que les personnes très âgées préfèrent les vers avec rimes et bien rythmés par un nombre de syllabes normé, je vous propose cette fable de Karak… La chute en est effectivement cruelle. Pas facile de s’en sortir quand on a affaire au diable, ce qu’on voit effectivement actuellement aussi bien à Gaza qu’en Ukraine,

                                                                Dessin de Karak


Karak, Fable cruelle



Le diable et le manant

 

Sieur Gobevin, manant de son état

Criait avec force sa misère

En sa modeste chaumière

Devenue sinistre galetas.


Entouré de ses pouilleux enfants

De sa femme famélique

Il s’en prenait au tout puissant

De manière peu biblique :


« Dieu ! qu’ai-je donc fait

pour autan de malheur mériter ?

Je t’ai prié mille fois, en vain,

Aussi me voilà obligé d’invoquer le malin ! »


A peine ces mots prononcés

La pièce s’emplit de fumée

Belzébuth était là, cornes sur tête

Et queue fourchue en trompette :


«Pauvre vilain, avec moi, je vais te donner

Ce que tu voudras

Mais ton voisin mal aimé

Le double recevra »


Gobevin rêvait de tout, vaches, génisse,

Cochons, mais ne pouvait supporter

Que son prochain puisse

Jouir de sa double propriété.


Alors après mûre réflexion il réclama

Qu’un œil on lui creva.

                                                        Autre dessin de Karak